dimanche 21 juillet 2013

Bon(s) baisers des Izards



On a déjà évoqué ici sur ce blog beaucoup d'expériences d'artistes contemporains jouant avec les cartes postales.
Certains avec bonheur d'autres moins. On reviendra bientôt sur les moins.
Mais voici que je reçois une série de sept cartes postales envoyées par Yann Gachet, série qui s'attache aux quartiers des Izards à Toulouse. L'ensemble est également accompagné d'un texte de Sébastien Dégeilh dont la proximité avec ma propre position vis-à-vis de ce médium est très grande. Je vais donc simplement vous le donner à lire et c'est moi qui surligne les passages qui me semblent les plus signifiants :


" Les habitants des Izards ont été très sollicités par les acteurs et observateurs du projet urbain au cours des dernières années. Parallèlement les projections extérieures fleurissent dans le quartier au travers des différents panneaux de chantier. Dans ce contexte, il me semble intéressant de leur offrir une attention non projective et un outil simple de réappropriation de l'image de leur quartierLa carte postale me semble offrir cette double
fonction. C'est d'abord une image pure et de bonne qualité qui témoigne d'un intérêt anonyme et extérieur pour l'existant. Et par ailleurs, c'est un objet d'édition populaire dont chacun connaît les codes et l'utilisation et qui reste inachevé puisque c'est l'acheteur qui
en construisant le rapport texte-image lui donne sens et fonction. C'est également l'acheteur qui les diffuse par des réseaux privés en les envoyant à ses amis, sa famille, en les collectionnant ou en les accrochant sur son frigo.
Projet
En résumé, le projet réside dans la mise en vente dans les commerces des Izards d'une série de cartes postales du quartier. Pour que cet acte simple advienne, il est important
que ces cartes aient les même caractéristiques qu'une carte postale classique en termes de qualité d'imagede prise de vue et d'impression, de mode de distribution, de prix. Elles doivent être des images pures, belles, documentaires permettant de projeter, dans une image en papier glacé, ses souvenirs personnels. C'est pourquoije fais appel à Yann Gachet qui maîtrise la prise de vue et les codes de la cartes postale traditionnelle
à la chambre. Nous allons travailler ensemble courant mai et juin pour mettre en place une série d'images cohérente. Sans être à la recherche d'exhaustivité, d'anecdote ou de cynisme, elle tentera d'offrir un regard documentaire sur le quartier en présentant un panorama des différents espaces de vie du quartier. Idéalement elle devrait permettre aux différents habitants et usagers de projeter dans au moins une image leur pratique du quartierSi la série de cartes postales se construit comme une unité, elle n'est pas une édition autonome de son contexte. Ce ne sont pas les cartes postales en elles-mêmes qui constituent le projet, mais leur vente dans les commerces du quartier. Cela fait partie
de l'attention portée au quartier que d'honorer les lieux de vie existants en s'y agrégeant. Pour moi, c'est aussi l'occasion d'affirmer la place du graphisme inséré dans le quotidien Lieux de vente possibles: Dalia, Superette Setifis, station essence, Boulangerie, Tabac Presse, VivalViennoiserie en travaux en face de l'école. De la même manière, je ne pense pas qu'il faille chercher à être exhaustif dans les points de vente, mais permettre que chaque strate sociale puisse potentiellement rencontrer ces cartes. C'est donc une œuvre quasi invisible pour un public extérieur et je ne pense pas qu'il faille médiatiser son existence. Le dernier point de ressemblance avec une carte classique est le prix - de l'ordre de 40 cts. Cette non-gratuité supprime toute ambiguïté avec un support de communication, de publicité ou de propagande. Le projet prend fin lorsque le stock de carte s'est dissout.
Ce projet me permet d'explorer, d'une nouvelle manière, comment le graphisme peut participer au renouvellement urbain, autrement que par sa documentation, sa communication et sa pédagogie ou l'animation événementielle.
Ateliers
Je trouve intéressant de tourner autour de ces idées de correspondance, de carte postale, de lien avecl'extérieur. Mais, je serai embêté que les même objets soient parfois gratuits et parfois vendus. Il faut peut-être penser à produire une carte postale particulière
hors-série et gratuite. Peut-être une photo d'Izard."
Sébastien Dégeilh, 2013.

On retrouve bien la définition de ce qu'est une carte postale. On remarquera que l'auteur Sébastien Dégeilh parle d'image pure un peu comme Serge Daney parle d'image absolue. La pureté ici est sans doute dans une volonté d'objectivité qui pousse l'auteur à faire faire ses clichés par Yann Gachet qui maîtrisera mieux que lui les codes de la carte postale traditionnelle... L'ambiguïté du projet est bien là, dans ce jeu subtil entre le cliché et le cliché du cliché... Et c'est totalement réussi ici, car les images ne jouent pas à faire semblant, elle ne cherchent pas en vain un espace intersticiel qui ferait que tout de même nous serions devant de la photographie d'art contemporain. Nous avons vu que certains sont tombés le nez dedans... Difficile en effet de maîtriser une forme d'anonymat photographique mais ici, l'absence de cynisme et sans doute aussi un vrai attachement à ceux qui vivent là font bien la différence.
La série est superbe de détachement serein, de regard attentif. Au dos, seuls les deux noms des auteurs et le sigle du BBB pourraient permettre de remonter la piste du projet.
Ne me reste qu'à remercier Yann Gachet pour cet envoi. Espèrons que ces cartes soient achetées, écrites et envoyées avec au dos un bon baiser des Izards.
Regardons ces cartes postales et tentons de retrouver ceux qui partagent ces lieux. On sent bien un quartier en mutation dont le mélange urbain est constitué de petites barres d'habitats collectifs, de pavillonnaire vieillissant et de nouveaux immeubles "modernes".











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