mercredi 30 juillet 2014

Dans le fond de l'image, dans le fond de l'œil



En regardant cette carte postale, vous pourriez vous dire qu'une fois de plus je vais évoquer avec vous l'Art Sacré du XXème siècle puisque le Sanctuaire Notre-Dame-de-Fatima est, à n'en point douter, l'objet photographique de cette carte postale sans nom d'éditeur et sans nom de photographe.
Vous auriez raison car après tout cette église même si elle n'a rien de particulièrement spectaculaire possède bien des qualités notamment dans la forme un peu rigoureuse d'une façade sobre et l'élan superbe de son campanile. Posée sur un talus qui lui donne beaucoup d'importance, cette église est de l'architecte Henri Vidal.
Mais...






Mais mon œil toujours insatisfait des évidences des images se perd sur l'arrière de l'église et observe une forme blanche continue aux nombreux décrochements et j'y reconnais rapidement une chose vue sans pourtant immédiatement pouvoir lui donner un nom. Comment fonctionnent les sens pour que, sur ces quelques centimètres, ma mémoire se souvienne avoir entendu parler (voir ?) de cet édifice ? Je m'entends prononcer le mot hôpital...
Ensuite cela va vite ! Plan, rue, images, bibliothèque, ArchiRès, magazine et me voici en train de lire un article et des écrits de l'architecte Pierre Riboulet sur l'hôpital pédiatrique Robert Debré dans Architecture d'Aujourd'hui de 1988...
Je me souviens alors avoir entendu une émission sur cet hôpital dans laquelle l'architecte décrivait son projet et la place prépondérante qu'il donnait à l'entrée, à la circulation, à la perception des enfants dans cet hôpital. Quand ? Quelle émission ? Je ne sais plus. Peut-être ça... mais il me semblait que c'était à la radio.... Qu'importe !
On se reportera donc au numéro  256 d'Architecture d'Aujourd'hui qui fait d'ailleurs sa couverture avec ce projet d'hôpital et déploie textes critiques, témoignages de l'architecte, plans et photographies de l'ensemble pour nous donner à voir et comprendre la composition de ce monstre superbe. On notera que l'architecte appuie son argumentaire sur le plan, sur le déploiement des espaces avec la nécessité aussi de faire paysage à partir d'un terrain difficile. Pierre Riboulet exige beaucoup de la lumière, exige beaucoup du déplacement et du déploiement des espaces et de leurs liaisons sans qu'on ose, dans un hôpital, parler de... promenade architecturale. Pourtant c'est bien de cela qu'il s'agit, savoir offrir à ceux qui viennent là, ceux qui y travaillent, ceux qui y séjournent un espace en permanence mouvant, changeant, offrant à la fois les surprises des points de vue et des lumières mais également, et c'est le moins que l'on puisse faire vu le programme, une rigueur parfaite des services. Comment organiser cela, comment travaille-t-on ces deux exigences ? Je vous donne quelques extraits du texte mais je vous invite à lire l'article dans sa totalité. Bien sûr rien ne remplace sans doute une visite de l'hôpital. On peut aussi aller sur ce site très documenté qui rend hommage à l'ensemble de la production de Pierre Riboulet.

http://www.pierreriboulet.org/spip.php?rubrique12

On y trouve l'espace du Palais à Rouen, sur lequel, local que je suis, je devrais revenir un jour...
Mais je m'attarderai plus volontiers avec vous sur le petit encart réservé à la photographe de l'article dans la revue. Il est en effet rare de lire ainsi la parole donnée à ceux qui font le travail de donner à voir une architecture et nos photographes d'architectures sont rarement nommés, ils sont oubliés de tous ceux qui aiment les images d'architecture sans la conscience qu'il s'agit d'abord d'un regard particulier. Ici, c'est Sophie Ristelhueber qui écrit sur son travail dans l'hôpital et, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il est un rien difficile de saisir pour elle comme pour nous ce qu'elle pense de cet objet architectural :



Il semble qu'elle affirme la difficulté à saisir l'objet, à en trouver des particularités photographiques et cette honnêteté est rare et belle.
"Quand je montre ce que l'on voit, je ne vois plus ce que je dois montrer." Errance subtile entre le devoir et le voir, entre le montrer et le vivre. Oui.
Sophie Ristelhueber devant cet objet architectural dit bien la difficulté de ce travail. Il faut garder son regard sans n'en donner que cela à voir. C'est touchant. Il semble que l'hôpital de Pierre Riboulet échappe au spectacle, voire au spectaculaire de l'acte photographique et cette fuite du point de vue pourrait bien en être la première richesse. On s'amusera de son désir de voir le sanctuaire de Fatima détruit...
"On va tout le temps voir par la fenêtre." Ajoute-elle. Oui. c'est exactement ce que je disais ici. Ne jamais oublier que l'architecture se regarde de dehors, de son extérieur, de sa peau mais que l'architecture doit aussi être dans le même temps un projecteur à nos yeux mais aussi un fond d'œil receveur. Et, dans ce mouvement, se place le travail d'architecture, ici, je crois, parfaitement réalisé par Pierre Riboulet.
Existe-t-il une carte postale consacrée à cet hôpital qui nous le donnerait à voir pour lui-même ? Qui sait...






























1 commentaire:

  1. Thierry de GAETANO Architecte16 mai 2015 à 17:53

    Un très beau film de Jean-Louis COMOLLI à voir concernant ce projet. Pierre RIBOULET nous y fait vivre son processus de travail et toute la tension liée à la conception qui lui ont permis de faire "naitre" cet hôpital.

    RépondreSupprimer