dimanche 18 janvier 2015

L'an 01



Il arrive que ce que nous attendions finisse par paraître.
L'an 01 de Gébé vient d'être ré-édité par l'Association dans un bel album au format généreux permettant enfin de lire et voir le beau travail du dessinateur. Ajoutez que le film l'an 01 est glissé dans l'ouvrage et vous avez dans les mains une superbe occasion de retrouver une philosophie qui a bien disparu aujourd'hui.
D'abord, il faut dire que l'an 01 est pour moi un travail de dessin. Ce que j'aime dans Gébé c'est bien la clarté parfaite de la ligne, son économie, sa blancheur, qui donnent à la pensée et à ses idées un accès rapide, net, sans ambage que parfois, il faut l'avouer, la masse manuscrite brouille un peu et rend la lecture ardue du moins dans la continuité d'un album.
Ce qu'il y a de très particulier dans la proposition de Gébé c'est qu'il s'agit d'un mouvement d'abord d'arrêt, de suspens de la vie telle qu'elle est. Il s'agit d'une pause. Il s'agit aussi comme acte premier du pas de côté, celui qui permet au sens vraiment propre et au sens figuré d'un seul coup de voir et comprendre autrement. Gébé tourne également sa forme révolutionnaire d'abord sur une altérité à retrouver pour soi. Voir l'autre enfin, aimer se définir soi-même, oser être d'une autre identité. La drôlerie vient aussi d'un parfait démontage de l'époque, d'une lucidité ahurissante mais qui n'est pas arc-boutée sur une idéologie de principes mais bien plus sur une forme de vécu alerte, extralucide.
Mais c'est aussi une grande exigence tant il est vrai que ce que nous demande Gébé est difficile à réaliser pour soi dans un mouvement qui se voudrait général. Le plus dur étant de penser que chacun est une étincelle pour l'autre, l'entraînement nécessaire à la réalisation du mouvement. On sent aussi que la question décisionnaire deviendra difficile tout comme la question de la justice.
Peut-être également, regretterons nous que la jubilation possible même d'un monde voulu décadent et inutile (violent) est ainsi condamné de fait sans détail, sans nuance.
Je conseille à ceux qui n'auraient jamais eu de contact avec cette œuvre de d'abord lire l'album avant de regarder le film de Doillon qui est très juste mais dont, pour ma part, je regrette vivement en son sein la présence de quelques petits comiques dont on sait aujourd'hui le parcours dans le Charity Business.
Il faut dire qu'il aurait pu être difficile de faire un film à partir de certaines idées et pourtant, tout fonctionne bien, et ajoute même à la drôlerie du dessin ou des idées. Jouissif.
Le DVD nous montre aussi dans un bonus Cabu, Cavanna et Charb faisant un portrait de Gébé et cela aujourd'hui résonne avec une émotion toute particulière, cela va de soi.
Alors il vous faut lire et relire l'an 01 parce que comme le dit Frédéric Pajak à la fin de son introduction, Gébé avait raison mais aussi parce qu'il savait avec talent nous le dire.
Et sans doute que pour bien profiter de cet album, il ne faut pas l'acheter mais le saisir, le prêter, le copier, le diffuser de toutes les manières possibles.
Arrêtons tout.
Sauf d'aimer Gébé.
Cet article sera transversal entre mon blog de lithographie et d'architecture.

l'an 01
Gébé
éditeur l'Association



























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