mercredi 29 avril 2015

Lycée hôtelier du Touquet ? Soyons vigilants



Alors que pourrait monter un épuisement sincère dû à une attaque en règle et quasi systématique (on pourra maintenant dire politique...) de notre Patrimoine moderne, alors que la liste des destructions s'allonge sur les bureaux des Ministres de la Culture qui se suivent et finalement se ressemblent, alors que l'action que nous pourrions mener peut sembler vaine et inutile face à des enjeux locaux appuyés sur une inculture architecturale de ceux qui décident (maires, conseils régionaux, présidents d'Université et, pire, architectes...) nous allons pourtant tenter encore et encore de mener un combat pour le respect d'une œuvre superbe qui a tout les atouts pour être maintenue dans le paysage, pour être aimée, pour participer à l'histoire de notre architecture moderne et donc de notre Histoire.
Au Touquet, un superbe bâtiment, étrange, particulier, magnifiquement dessiné eu égard à ses fonctions, ayant participé à sa ligne paysagère pourrait disparaître : le lycée hôtelier. Il est l'œuvre de Pierre-André Dufetel, un architecte ayant toujours été préoccupé par l'architecture de l'enseignement, ayant mené des réflexions et des constructions cherchant à réinventer la relation entre les élèves, les enseignants et leur espace. C'est une architecture, certes spectaculaire qui est érigée au Touquet mais c'est aussi une proposition, une vision, une pensée. On peut lire la très complète fiche sur ce lycée ayant obtenu le Label Patrimoine du Vingtième siècle en 2004. L'intégration des arts y était particulièrement développée avec une collaboration du Groupe de L'Œuf, Centre d'étude et d'Olivier Debré. Remanié, il garde toute sa force totémique qui en fait l'un des points forts de son paysage. Publié, remarqué, il est aussi imprimé sur de nombreuses cartes postales, permettant sans doute à la fois aux lycéens de montrer leur lieu d'apprentissage mais aussi aux touristes de faire valoir la richesse contemporaine de la ville du Touquet.
Alors...
Alors il est encore question de l'avenir incertain d'un tel objet architectural ayant obtenu un Label dont je pense, de plus en plus, vu la politique culturelle actuelle et le manque d'engagement généralisé, qu'il ne sert à rien. À rien. Il est grand temps de poser sur la table la question de l'avenir d'un Label bafoué et qui ne sait pas (ne sait plus ?) être un outil de préservation et d'éducation à l'architecture moderne et contemporaine. Ce Label ne devrait-il pas être un vrai sas vers une inscription ?
On peut toujours encore espérer. Pour l'instant aucune décision n'est prise.
Nous, Comité de Vigilance Brutaliste, suivrons ce dossier et donnerons à tous l'occasion de voir la gestion d'un tel cas qui, espérons-le, ne ressemblera pas à celui en cours à Toulon...
Alors, ceux qui ont dans les mains l'avenir d'un Patrimoine reconnu par les autorités scientifiques et patrimoniales, reconnu dans son usage, reconnu enfin, dans l'histoire de sa ville vont devoir montrer leur attachement, leur réaction, leur dynamisme et surtout... leur courage.
Voyons qui aura du courage au Touquet.

Lisez ici :
http://www.lavoixdunord.fr/region/le-touquet-le-lycee-hotelier-pourrait-demenager-pour-ia36b49168n2553918

Anciennes publications ici :
http://archipostcard.blogspot.fr/2008/08/dominique-m-me-conseille.html
http://archipostcard.blogspot.fr/2010/09/arlequin-5.html

Regardons donc deux cartes postales nouvelles.
En premier, une édition de l'Europe-Pierron sans nom d'architecte ni de date. La correspondante ne fait aucun cas de l'architecture ni en bien ni en mal...
En second, une édition Mage pas plus bavarde ! On notera la différence de teinte entre les deux images.








mardi 28 avril 2015

André Gomis, architecte pour la joie

André Gomis a eu une carrière foudroyée.
Il fait partie de ses architectes dont on aime à rêver les œuvres qu'il aurait pu construire si la vie lui avait laissé le temps de poursuivre l'incroyable qualité de son œuvre dont ce qui émerge encore aujourd'hui ne laisse aucun doute sur sa modernité.
Nous allons plonger dans l'un de ses programmes très richement édité en cartes postales car programme de vacances et collectivité donc idéal pour les éditeurs et les vacanciers désireux de montrer leur lieu de villégiature.
Il s'agit du très beau V.V.F de Balaruc-les-Bains, Belambra club aujourd'hui.
Ouvrons le générique :





Une carte multi-vue qui nous permet de placer le V.V.F dans un ensemble urbain et de retrouver le très beau bâtiment thermal que nous avions vu il y a peu. En bas à gauche on commence à percevoir d'avion le très beau groupe de constructions avec ses voûtains, son théâtre de plein air, et même on devine la sculpture fontaine qu'on verra plus bas. On devine déjà donc un dessin superbe fait d'emboîtements successifs, de liaisons et de vides offrant une perméabilité voulant travailler le passage entre l'extérieur et ses plaisirs et l'intérieur et ses nécessités collectives. Terrasses, fonctions, logements des vacanciers, tout cela est exprimé clairement. La carte postale est une édition SL expédiée en 1975.
Prenons recul et hauteur :



Ici, tout s'éclaire sur la disposition des lieux. À gauche et à droite de l'ensemble de loisirs, des logements articulés en une succession de V reliés par des escaliers parfaitement sculptés et mettant en scène comme des balcons, dès cet espace, la vue sur l'étang de Thau. La couverture est traitée elle aussi en grands voûtains légers qui nous rappellent M'Diq. On remarque un accès à l'étang offert au pied des logements par de grands escaliers, un traitement délicat des espaces verts (et sableux !). On devine aussi un travail parfait des orientations permettant de profiter pleinement des vues sur l'étang ou sur les collines. Au dos de cette carte postale Sofer, la correspondante nous informe qu'elle est enchantée par son séjour : "Nous croyons rêver, organisation moderne très confortable, excursions, jeux, bals, cinéma, rien ne manque, très bonne table adaptée pour nos âges."
Allons sur l'eau :



C'est beau non ?
Comment ne pas être sensible à cette volumétrie, à cette blancheur méditerranéenne, au jeu des ouvertures, à la crête des bâtiments dont rien de trop exagéré, rien d'un geste trop fort et ridicule ne vient perturber le beau travail. Comme une immense villa moderniste offerte à tous. Le photographe est dans l'eau, assez bas, est-il en maillot de bain ? Il s'agit d'une édition de France expédiée en 1971.
Faisons de l'œil aux filles :



A-t-on le temps, lorsque l'on fait de la planche à voile, de regarder l'architecture d'André Gomis ?
Nous oui.
On admire ici la rythmicité des voûtains, certains étant d'essence constructive d'autre semblent plus décoratifs et reprendre simplement le dessin pour atténuer la volumétrie cubique des bâtiment. Étrangement, je m'interroge sur les volumes de béton (?) blanc contre lesquels sont adossés les vacanciers sur la plage...
Et si on se rinçait ?



À hauteur d'homme, peut-être un peu penché, le photographe des éditions Eurolux nous montre les constructions mais surtout la fontaine sculpture offrant une douche de rinçage pour la remontée de la plage. De grandes coquilles de métal, immenses huîtres modernes permettent aux enfants de nettoyer le sable et le sel et surtout de jouer en toute tranquillité au milieu d'une œuvre d'art.
Mais qui a dessiné ces sculptures-jeux ? Philolaos ? Oui ! C'est bien ça, la complicité de Philolaos et de André Gomis pour le château d'eau de Valence est venue jusqu'ici ! On notera que l'architecte est nommé par l'éditeur mais pas le sculpteur.
Avez-vous vu le jeu superbe des ouvertures immenses dont les stores rouges renvoient le soleil ? Et la très belle terrasse à droite ? On devine aussi un peu mieux la qualité du traitement de la façade des logements.
Et jouer encore :



Magnifique image, magnifique animation autour de la sculpture de Philolaos et de l'architecture d'André Gomis.
Qui osera encore mettre en doute le potentiel documentaire de la carte postale ?
La jeune fille nous regarde, le photographe des éditions Combier est dans l'action, il sait ce qu'il doit donner à voir. La joie d'une architecture intelligente, mettant en jeu ses fonctions, son rôle, ses qualités allant d'un plan général aux détails d'une sculpture pour le jeu.
André Gomis a fait une œuvre totale ici, jouant avec les éléments naturels, le désir de vacances sans tromperie régionaliste, sans excès moderniste. C'est d'une justesse pensée pour les vacanciers devant d'abord vivre le moment et ses joies. On est ici, très proche, finalement, du travail des Arcs. Il fallait tenir le nombre dans la nature pour que ce nombre en jouisse sans la détériorer mais aussi en affirmant un geste architectural déterminant parfaitement son paysage, l'inventant même.
Dans ce plat pays de l'étang, André Gomis monte une architecture qui construit les rythmes des besoins, les guide, les suit, comme si les habitudes avaient sculpté les volumes et dessiné les chemins.
Une architecture humaniste sous le soleil.
Un modèle.











dimanche 26 avril 2015

Les comiques et les autres



Jean-Michel avait dû céder à Pierrette Berjaud. Il avait accepté de venir avec elle au spectacle de Fernand Raynand dans le tout neuf Casino de Ferret pour lequel il avait travaillé sur les fondations.
Jean-Michel n'aimait pas Fernand Raynaud. Il n'aimait pas les comiques en général sauf Charlie Chaplin et ce Tati dont la Villa des Arpel lui rappelait tant de clients vus chez des architectes. Il avait une tendresse particulière pour le désir pressant de modernité. Mais dans la salle de spectacle du Casino de Royan, alors qu'à quelques mètres de lui, le comique troupier tentait de faire sourire la population accueillante et balnéaire, Jean-Michel était déjà ailleurs, dans des pensées de structures, dans des calculs refaits et refaits sans cesse.



Il pensait au barrage de Donzère-Mondragon dont il aurait aimé faire les calculs et le dessin des cheminements. Il trouvait que les images qu'il en avait vues prouvaient que la France avait d'excellents ingénieurs, qu'il fallait faire beau et utile en même temps et que ces chantiers gigantesques avaient une grandeur bien belle. Il aimait comme les paysages sont ainsi redessinés, modelés pour produire de l'énergie. Il aimait sentir cette force.



Puis, il ne sut comment, s'en aperçut-il seulement, il se rappela la carte postale qu'il avait achetée hier, celle du futur pont de l'île d'Oléron et comment il avait trouvé cette fois son dessin particulièrement laid et peu sensible à la chance de son paysage. Pourtant il savait que l'entreprise Campon-Bernard ferait un travail sérieux et même révolutionnaire mais il y avait tout de même là, dans la ligne ininterrompue des travées un ennui qu'il n'arrivait pas à admettre. Une sorte de peigne géant qui ne savait pas non plus trouver le chemin des rives avec beauté et distinction, quelque chose de juste à sa fonction mais sans élan, sans poésie.
Il avait surtout ri à la représentation de cette maquette par une carte postale, maquette comme collée sur une toile de jute bleuie pour faire maritime. Il y avait là une naïveté touchante. Il se rappelait surtout du Chapus, magnifique petite construction comme une île construite. Il se rappelait qu'il y avait acheté des huîtres, qu'il avait aimé le contact chaleureux des ostréiculteurs qui étaient partagés entre désir de modernité et peur d'un rythme de vie changé à jamais. La marée serait toujours là mais viendrait s'y joindre celle des touristes.
Fernand Raynaud essayait encore un peu de faire rire la salle et il faut dire qu'il y arrivait. Jean-Michel regardait ses pieds, ses nouvelles chaussures, il pensait à la jolie Jocelyne.
Est-ce que le marchand de fleurs sera ouvert ?
Et regardant alors le plafond multicolore du Casino, il comprit qu'il pourrait en attendant de rire, se réjouir d'un lieu superbe, joyeux et festif.
Il vit à sa gauche, un drôle de type avec un chapeau mou qui essayait désespérément de décoller un chewing-gum collé sous sa chaussure dans une indifférence totale au spectacle. L'intrus gluant passa du soulier sur les doigts du malheureux, puis retomba sur le sol et fut à nouveau glissé sous la chaussure.
Jean-Michel éclata d'un rire prodigieux. Tout le public se retourna vers lui, ne comprenant par pourquoi Jean-Michel riait hors des blagues du comique.
Ne pouvant plus se retenir, il quitta la salle et se retrouva étrangement accompagné par le type au chewing-gum qui croyait que la salle se moquait de lui.
Sous le dais de béton, les deux hommes riant de concert décidèrent de vivre une vraie vie.
Ils allèrent ensemble boire une bière sous le Front de mer.
Le chewing-gum, lui, resta cette fois dans le gravier.

Merci à Laurent Patart pour cette donation.
Par ordre d'apparition :
Royan, Le Casino, Architecte C. Ferret, édition Chatagneau.
Aménagement du Rhône, Donzère-Mondragon, éditions aériennes CIM, Cliché Rancurel, 1953.
Maquette du pont reliant Oléron au continent.
Caractéristiques : Longueur 3030 mètres, Largeur 10 mètres 50. Tirant d'air 15 à 18 mètres suivant marée. Utilisation envisagée : station estivale 1966. Exposée à l'église de  La Cotinière.
édition oléronaise Arjac-photo- L. grandsart.




 



samedi 25 avril 2015

La mort d'un Label à Toulon ?

Si le projet de l'agence Tangram pour OKKO Hôtel sur la Caisse d'Épargne de Toulon voit le jour, il sera fait de manière claire, la démonstration que le Label Patrimoine du XXème siècle ne sert à rien et même, qu'il devient une manière de communiquer sur une modernité encombrante et jamais assez qualifiée pour être maintenue telle quelle dans notre paysage. Toujours, ce Label, lors des transformations insensées et d'une laideur assourdissante, est utilisé par les agences de communication et d'architectes pour nous dire "pourtant" comme s'il était le petit moteur utile d'un élément de langage permettant immédiatement de raser les particularités de cette modernité. On connaît le succès de déconstruction qui est venu dans la bouche des agences de communication le parfait alibi de destruction ; on sait comment réhabilitation veut dire en France, égarement, oubli et casse des éléments essentiels d'une architecture du Vingtième Siècle sacrifiée par des agences d'architectes au nom buccolique et si hype, si sympa, que les autorités financières et surtout politiques les prennent pour des gens dans le coup. Ils ont même une "philosophie" affichée sur leur site. On rigole. On rigole.
Alors, il faut réagir.
Faudra-t-il pour le Patrimoine Architectural Moderne un drame comme celui de Sivens pour un éveil des consciences ? Devons-nous, nous, amateurs d'architecture contemporaine, nous, défenseurs d'une qualité architecturale digne, nous vigilants à un héritage moderne, avoir un martyr grimpant dans vos chantiers, chutant du haut d'une tour, faisant hara-kiri devant une DRAC pour que vous saisissiez l'urgence d'arrêter un peu, excusez-moi, les conneries ?
Je me suis fait casser la gueule à Pierreffite-sur-Seine, je peux bien venir vomir à Toulon.
Quelle est cette France qui pourrit son sol de pavillons par milliers, de zones commerciales de merde qui nous étouffent, et qui, alors même qu'elle s'invente des instruments de repère comme ce Label, laisse de pareils projets se faire sans réagir ?
Prenons la liste des Label du XXème siècle et, une bonne fois pour toute, rasons l'ensemble de ces constructions. Cela sera plus simple et moins épuisant et plus juste sur ce qui se passe en France. Le vide est partout, sur le terrain, dans les philosophies d'agence, ayant lu, sans doute, quelques livres sur la réhabilitation qui ont du mal à remplir leur bibliothèque affichée sur leur site.
Faisons du passé table rase mais faisons-en une fête nationale comme il y a une journée du Patrimoine, inventons la journée de disparition du Patrimoine du Vingtième Siècle. Une fête explosive comme en banlieue.
Organisons la laideur, la forfanterie de la pensée, c'est je crois la seule chose qui nous reste.

Alors il est clair maintenant qu'une attaque aussi inouïe d'un bâtiment ayant obtenu le Label Patrimoine de Vingtième Siècle sera le signe de la fin de ce Label. On verra qui osera prendre la responsabilité d'un tel abandon. La Ministre de la Culture ? La Municipalité de Toulon ? Les architectes de l'Agence Tangram ? La communauté d'agglomération ?
Appliquons à Toulon, la devise de son blason :"Dans la concorde se font les grandes choses."

http://www.culturecommunication.gouv.fr/Regions/Drac-Paca/Politique-culturelle/Patrimoine-du-XXe-siecle/Le-label/Les-edifices-labellises/Label-patrimoine-du-XXe-Var/Toulon/Toulon-Caisse-d-Epargne-ancienne

Je vous laisse aller voir le projet... image venant de Var-Matin, impossible sur le site de Tangram de trouver des images...



Je vous donne un extrait des valeurs de OKKO Hotels qui a déjà sévi à Nantes !
Voyez la qualité :
http://www.nantes.maville.com/actu/actudet_-Nantes-un-hotel-quatre-etoiles-rue-de-Strasbourg-en-2013_52716-2090830_actu.Htm

http://www.ouest-france.fr/lancienne-manufacture-de-parapluies-demolie-1312922





Pour mémoire, quelques images de la Caisse d'Épargne de Toulon dont nous avions parlée en 2011 :







Il s'agit d'une carte postale Aris qui ne donne pas le nom des architectes. On remarquera pourtant que la publication d'une carte postale pour une Caisse d'Épargne est le signe d'une époque qui aimait son architecture contemporaine.
On aime la très belle tour isolée surgissant de son socle dont le dessin est d'une élégance superbe et ambitieuse. Toute la qualité de l'architecture de cette construction tient dans l'isolement de cette tour posée sur ce socle et sur le contraste entre l'élancement et la stabilité affirmée. Imbrication des espaces, sens des circulations, jeu parfait entre une tour de verre et une sculpture de béton faisant accueil, tout cela sera ruiné par le désir de faire du plancher (investissement en mètre-carré...) pour des chambres. Si on en croit les images du futur hôtel OKKO la tour sera gainée d'un tuning hideux dont le dessin est d'une banalité indigne d'un tel héritage. L'élan sera brisé, le vide sera comblé (on sait pourquoi, on n'est pas naïf), et toutes les particularités seront donc bien effacées. Il ne s'agit pas d'un projet de réhabilitation mais bien, consciencieusement, avec méthode, d'un mépris. Bravo, c'est l'archétype du genre.

Enfin, la page du guide d'architecture contemporaine en France édité en 1970 par Dominique Amouroux :











vendredi 24 avril 2015

Un centre commercial Monument Historique à Ris-Orangis

La demande d'inscription à l'inventaire des Monuments Historiques a été déposée en... 2012.
Il semble qu'il faille dire à nouveau l'importance de la protection de ce type de construction aujourd'hui.
Ne soyons pas désespérés, soyons actifs et vigilants.
Aidons ceux qui ont des doutes à trouver des réponses.
Pourquoi faut-il inscrire le centre commercial de Ris-Orangis dessiné par Claude Parent ?
Voici les raisons, elles sont objectives :
Unicité, rareté 
Le centre commercial de Ris-Orangis appartient bien à une série de centres commerciaux dessinés par Claude Parent pour l'entreprise Goulet-Turpin. Mais cet effet de série qui pourrait laisser penser à une multiplication d'un modèle est ici bien contrarié par un travail toujours extrêmement vivace du terrain de la part de Claude Parent. Aucun de ses centres commerciaux n'est identique et tous possèdent une implantation, une articulation à la ville différente aussi parce que les échelles des centres sont très différentes. Celui de Ris-Orangis est donc unique et ne peut être assimilé aux autres centres commerciaux de Reims, Epernay ou encore de Sens. Dès sa construction, le centre commercial de Ris-Orangis fut publié, révélé, observé comme un modèle mettant en scène les liaisons automobiles et piétonnes sur un terrain particulièrement difficile. Ce centre commercial possède encore l'ensemble de ses éléments, son parking, son magasin et sa passerelle d'une extrême force plastique. Il est donc unique et rare.
Intégrité
On peut donc jouir encore aujourd'hui de l'ensemble architectural dessiné par Claude Parent. Les trois éléments forts éclatés en trois volumes et trois fonctions sont toujours utilisés, utiles et arpentés par une population qui rend vivantes ses fonctions. Si la fonction oblique y est moins lisible qu'à Sens par exemple, la force brutaliste de la construction est toujours présente et n'a subi, à part un déploiement publicitaire, aucune altération des structures, du dessin, des fonctions. Ce qui est, pour une construction marchande de cette époque, très rare. On notera donc une valeur d'usage maintenue ce qui en dit long sur la qualité architecturale du projet qui a pu absorber les chocs commerciaux sans être transformé.
Représentativité exemplarité
En France, aucun autre exemple d'une relation soutenue entre un architecte et un entrepreneur de centres commerciaux n'a pu donner un ensemble aussi cohérent que le duo Claude Parent/Goulet-Turpin. Cette relation est exemplaire, unique et forme sur notre territoire un ensemble cohérent mettant en avant la possibilité de faire avec ce type programmatique une œuvre architecturale de première importance que seul, l'élan des galeries marchandes du XIXème peut concurrencer. Il faut donc pour une cohérence patrimoniale, maintenir à la fois les entités et l'ensemble, aucun centre commercial de Claude Parent ne pouvant à lui seul être représentatif des autres, qui sont par ailleurs, malheureusement, déjà fort dégradés (Reims) ou détruits. Il faut donc prendre conscience qu'une œuvre architecturale ne peut en remplacer une autre combien même, elle appartiendrait au même commanditaire, au même programme, au même architecte ! On pourrait dire que le travail de Claude Parent pour les centres commerciaux n'est pas une multitude mais un ensemble. C'est essentiel. Le centre commercial de Ris-Orangis possède une vraie démonstration brutaliste dans ses volumes. Il est à ce titre l'un des plus beaux dessinés en France appartenant à ce mouvement. C'est l'une de ses plus justes exemplarités qui fait toujours écho aux autres productions de l'architecte, se répondant par un jeu subtil de reconnaissances mutuelles. C'est ce mouvement formel et géographique qui fait l'exemplarité également de ce travail.
qualité artistique
Tout dans le centre commercial de Ris-Orangis raconte la liaison parfaite entre son architecte et le béton. On retrouve dans les formes, les matières, le sens de la volumétrie ce qui fut déclaré comme acte fondateur d'Architecture Principe à Sainte Bernadette-du-Banlay. Le centre commercial de Ris-Orangis offre bien une forme condensée de l'effet défensif, allant jusqu'à proposer une passerelle bunker pour conduire les clients du parking posé sur un toit vers le magasin à l'expressionnisme puissant. On n'oubliera pas l'une des particularités de Ris-Orangis qui est son jardin. Ici, à Ris-Orangis, les fractures des éléments, le jeu des fermetures et des visées, le sens indéniable d'une dramaturgie du parcours du client, l'éclatement des volumes sur le terrain avec la récupération des pentes par la gestion d'une passerelle, tout cela dans un traitement global affirmant sans retenue une dureté subtile, prouve que Claude Parent savait déployer un programme sans rien abandonner de ses théories mais au contraire, en les appliquant à un programme public et donc très facilement expérimenté par tous. Le centre commercial étant toujours actif, la démonstration est réussie. On notera la fortune critique de ce centre commercial dans la presse spécialisée et populaire.
Notoriété
C'est tellement simple... L'œuvre de Claude Parent est l'une des plus fortes accomplies, l'une de celles qui a su mettre en action des positions pourtant radicales et qui ont démontré leurs validités. Claude Parent a été immédiatement reconnu avec Paul Virilio, comme l'un des architectes ayant remis en question l'ensemble de la pratique architecturale mais surtout ayant remis le corps et son parcours dans l'espace au centre de leurs préoccupations. Il s'agit d'une architecture humaniste, sensible qui s'exprime dans des forces d'ordre tellurique. C'est ce qui en fait la beauté mais surtout son importance dans notre histoire de l'architecture. Aucune autre œuvre ne fut à la fois aussi radicale et aussi populaire, réussissant ainsi à offrir au public le plus large des expériences que d'autres architectes ont laissé se perdre dans une utopie inutile.
On sait comment depuis quelques années l'importance de ce travail fut remise sur le devant de la scène par des critiques d'architecture de première importance comme Frédéric Migayrou, comment Rem Koolhaas, lors de la dernière Biennale de Venise a offert à Claude Parent une place dans son exposition sur les Fondamentaux de l'architecture, comment des artistes contemporains comme Xavier Veilhan ou Nicolas Moulin ont fait de Claude Parent l'une de leurs sources de formes, d'idées mais surtout ont fait de Claude Parent un penseur de l'espace et des flux.
L'œuvre de Claude Parent est publiée dès ses premiers travaux, elle est l'objet régulièrement de rétrospectives et de recherches. Ris-Orangis est à ce titre souvent évoquée, critiquée, regardée et surtout arpentée. La grande notoriété de Claude Parent ne peut pas être un obstacle à une autre inscription, simplement parce que le Patrimoine ne doit pas être d'exception mais de continuité. Il est impossible de se priver d'une sauvegarde au nom d'une autre. La notoriété même, la vivacité de Claude Parent comme référence pour notre histoire et la créativité contemporaine devraient suffire à faire de ce centre commercial de Ris-Orangis un objet sauvegardé.
Claude Parent fait simplement partie des très grands architectes comme Ledoux ou Le Corbusier, de ceux qui ont construit leur pensée, l'ont donnée à voir et à l'éprouver.
Dans notre espace, sur notre territoire, des œuvres d'une telle ampleur conceptuelle et formelle sont rares. Il est de notre responsabilité de donner à l'histoire de l'architecture française, la possibilité pour les générations à venir de vivre cette architecture au lieu de simplement s'en souvenir.

Merci de soutenir cette demande par toute action qui vous semblera pertinente.
Vous pouvez déjà signer la pétition en ligne :
http://www.petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=P2012N29781
ou envoyer la carte postale de soutien, elle est gratuite, il suffit de me la demander, merci de votre soutien, restons vigilants :







Les articles sur Ris-Orangis :
http://archipostcard.blogspot.fr/2012/03/ris-orangis-un-centre-commercial.html
http://archipostcard.blogspot.fr/2012/10/des-centres-commerciaux-sauves-et.html


Voici quelques images du centre commercial de Ris-Orangis, hier et aujourd'hui :












En 2012, Monsieur Prost-Romand, propriétaire du centre commercial de Ris-Orangis, m'offrit ce très beau et touchant dessin de Thierry Dubois qui, dans une profusion d'automobiles et de personnages, nous donne à voir une vision joyeuse de ce centre commercial.
C'est une belle image qui rend hommage à l'aspect populaire de cette architecture. Merci Thierry Dubois pour cette interprétation et merci Monsieur Prost-Romand pour ce beau cadeau !









mercredi 22 avril 2015

De Cholet à Saint Pierre-lès-Elbeuf grâce à Wogenscky


Il arrive que les intuitions trouvent les chemins de la raison.
Vous savez comme j'aime tirer les fils de la connaissance, glisser d'une sensation d'image à une réalité construite.
Donc :



Tout commence ce matin avec une carte postale superbe par sa dureté, une de celles qui pourraient comme ça, rapidement, si nous étions Martin Parr, entrer dans la catégorie Boring Postcard. Nous sommes devant l'Institut Médico-Pédagogique "La Rivière Sauvage" à Cholet comme nous le dit la carte postale Eurolux dont la photographie est de Thierry (sic). Au verso figure bien le nom d'un architecte et quel architecte ! André Wogenscky !































Immédiatement, l'image s'éclaire de ce nom et on comprend un peu mieux ce que l'on voit, du moins, ainsi, on a une grille de lecture. Parpaings bruts posés en claustra serré, épaisseur de béton sur toit plat engazonné, gargouille de béton brut au dessin si corbuséen, volumétrie affirmée et d'une simplicité apparente faisant jouer le dedans et le dehors avec un patio, grande ouverture sur l'extérieur ici cachée par un saule pleureur (?). C'est rude et beau. Les parpaings ainsi abandonnés à leur être, n'étant pas recouverts, peints, crépis, donnent toutes la dimension brutaliste à l'image et sa justesse au matériau aimé pour son grain, son état, son rôle comme on laisse les pierres se chauffer au soleil et accueillir les lichens. Je ne trouve aucune publication sur cet institut dans mes archives me permettant de vous offrir des images plus précises mais...
Mais...
Internet et les moteurs de recherches m'offrent un cadeau incroyable !
En cherchant des informations, je tombe sur le fonds de l'architecte Louis Miquel. Dominique Amouroux m'affirme alors que l'architecte de l'IMP n'est pas Wogenscky mais bien Louis Miquel sans doute sous son influence directe, Wogenscky ayant en quelque sorte apporté le projet à Louis Miquel. Et, une chose étonnante en entraînant une autre, il se trouve que l'une des œuvres les plus importantes de cet architecte ayant travaillé avec André Wogenscky se trouve chez moi ! Oui ! À Saint Pierre-lès-Elbeuf !
Saint Pierre-lès-Elbeuf a donc au milieu de son tapis de bombes pavillonnaires une architecture intéressante ? Cette ville de Saint Pierre-lès-Elbeuf qui est en train de mourir du lotissage stupide et aberrant a donc sur son territoire un exemple de logements sociaux intéressants ?
Mais oui. Et... Cela fait des années que je la regarde. Le week-end dernier encore, arrêté au feu, je disais  à mon frère Christophe alors que nous revenions des Emmaüs, que cet ensemble était beau et intrigant... Magie de l'intuition. Je crois aux astres !
En effet l'ensemble est bien de Louis Miquel, et je m'étonne, vu son curriculum vitae, de ne pas être tombé dessus plus tôt ! Il y a donc des moments où les fruits sont mûrs et tombent tout seuls dans nos mains.
Reste une question intéressante : pourquoi André Wogenscky est-il crédité pour l'architecture de l'Institut médico-éducatif de Cholet à la place de Louis Miquel ? Comment cette attribution a-t-elle pu exister ?
Qu'importe ! Sans doute que la raison profonde est la nécessité soudaine de me faire travailler et découvrir une construction près de chez moi.
Une erreur... profitable donc !
Merci à Dominique Amouroux pour toutes ces précisions. On trouvera dans la superbe revue 303 numéro 80 de 2004, un article complet de Monsieur Amouroux sur cette construction de Louis Miquel.

Voici donc quelques images de ce bel ensemble appelé Résidence Les Tilleuls.
On voit donc un ensemble mêlant pans de briques et structure affirmée en béton. les fenêtres feront plaisir à Auguste Perret car en hauteur et poussées de chaque côté des pans de briques. On remarque immédiatement un jeu de façade avec des briques jaillissant des murs et offrant un décor simple mais beau d'ombres portées animant le rigoureux dessin de la grille. On remarque aussi une résidence en parfait état, très bien entretenue, dans un immense parc arboré. Superbe.
Il s'agit donc d'une construction LOGECO.
Il me faudra encore trouver des infos sur ce mode constructif.
Je suis désolé, le ciel est bleu. N'y voyez pas de désir de faire des cartes postales mais simplement, il arrive que la photographie photographie bien le réel et qu'il fasse beau en Normandie. Désolé. Vraiment.