dimanche 29 novembre 2015

Maisons Bulles en page

Raphaëlle Saint-Pierre m'a envoyé son dernier ouvrage Maisons Bulles, architectures organiques des années 1960 et 1970 et je l'en remercie vivement.





On connaît bien cette auteure sur ce blog et on sait le sérieux de son travail. Ici, l'ouvrage s'insère dans la très belle et didactique collection des Carnets d'architecture publiés par les éditions du Patrimoine ce qui est déjà, en soi, une certitude de qualité.
Nous ne sommes pas déçus : c'est un beau mais surtout très enrichissant ouvrage que nous livre là Raphaëlle Saint-Pierre sur un mode de construction qui a connu une apogée puis un oubli et enfin un renouveau surtout par le goût de notre époque pour les utopies rétro-futuristes.
L'ouvrage nous livre d'abord une étude générale sur les conditions de l'arrivée de ce mode de construction, de ses techniques et de son histoire pour ensuite nous proposer des portraits des acteurs les plus représentatifs de cette histoire si particulière de l'architecture. On y retrouve donc nos vieilles connaissances : Pascal Haüsermann et Claude Costy, Antti Lovag, Pierre Székely et Henri Mouette, Jean-louis Chanéac et enfin Jacques Couëlle.
Le livre est abondamment illustré de photographies superbes des œuvres achevées ou de leur construction ainsi que des plans et des dessins des architectes. On peut ainsi comprendre les différences de conceptions mais aussi d'univers de tous ces architectes qui, parfois, travaillent pour un cercle agrandi des amis et de la famille ou parfois ont un désir plus radical, plus politique de transformer vraiment l'architecture. À part l'expérience écourtée de Douvaine, les questions de la collectivité, du logement social mais aussi de l'urbanisme semblent peu travaillées par ces architectes, du moins il semble surtout que ce mode de construction n'ait pas réussi à vraiment s'y imposer et à trouver des terrains et des opportunités pour atteindre vraiment des échelles supérieures à celle de la villa.
À ce titre, Pierre Székely et Henri Mouette (mes chouchous !) s'en tirent bien avec leur centre de vacances de Beg-Meil.
On pourra aussi rester un rien circonspect sur la personnalité, euh... riche... de Jacques Couëlle dont la révolution architecturale reste surtout sur la peau des constructions plus que sur leur méthode et même leur architecture. On pourra aussi voir que le dessin, au sens d'une ligne qui détermine des espaces, n'est pas par tous aussi bien partagé. Chez Lovag, la courbe se lisse, devient bulle, tendue alors que chez d'autres la vision est plus celle, un rien râpeuse, d'une grotte ou d'une concrétion comme chez Kalouguine à Angers.  Et même si parfois, j'avoue être un rien repoussé par les délires de maisons en forme de cosses de petits pois ou les portes d'entrée en vulve, il est certain que cette période a réussi à tenir sa promesse d'un mode de vie et d'habitat renouvelé même si, on peut se demander s'il ne s'agit pas plus d'"habitologie" comme le dit Anti Lovag que d'architecture.
C'est donc un beau livre et surtout un livre passionnant pour saisir cette période et ce mode constructif. Ce que l'on appelle un indispensable.
Il semble bien que maintenant, de livre en livre, Raphaëlle Saint-Pierre soit en train simplement de faire une œuvre.

Noël arrive !
Faites-vous plaisir et soyez généreux !

Maisons-Bulles
Architectures organiques des années 1960 et 1970
Raphaëlle Saint-Pierre
éditions du Patrimoine
isbn : 978-2-7577-0439-4
25 euros
Merci de commander votre livre chez un libraire indépendant.
Quelques pages pour vous mettre l'eau à la bouche :









samedi 28 novembre 2015

C'est l'heure exquise

 
















Absolument vouée au gris.
La barre tourne un rien, mollement, gentiment, comme pour faire semblant d'être une œuvre, de rompre avec le rectiligne chemin de grue à moins que la grue ait glissé sur une plaque de verglas.
On ne sait.
J'ai cherché qui était l'architecte en vain. Nous sommes à Aulnay-sous-Bois devant la cité du Pont David, rue Jules Princet. J'ai cru y retrouver la cité Emmaüs de l'ATBAT mais non, rapidement cela déçoit un peu.

Pourtant les détails sont beaux, la grille est bien dessinée. Les grandes baies rapprochées sans balcon sont découpées dans un carré offrant une fenêtre haute et une en bandeau comme pour marier Le Corbusier et Perret. On note l'absence de balcon. Pourtant, aussi, un parc se donne à voir. Puis suit une alternance de minuscules ouvertures percées, deux en haut, une en bas. Cage d'escaliers ?
Je ne sais.
Le photographe des éditions CAP a attendu le vide. Il a attendu l'heure exquise. Celle qui vide l'architecture de ses utilisateurs. A-t-il vraiment attendu ? A-t-il fait simplement le constat d'une non-utilisation de ce parc par les habitants ? On notera d'ailleurs que ce parc est réduit à une prairie coupée ras comme celle du jeune militaire entrant à la caserne. Ça fait froid autour des oreilles mais c'est facile à entretenir et ça tient mieux le béret.
À gauche un arbre réussit un peu à placer ses feuilles et à droite lui répond une autre barre venant clore l'image.
On la retrouve ici, sur cette autre carte postale :



















De même vouée au gris, la carte postale CAP fait la démonstration parfaite d'un romantisme sombre comme une peinture de Poussin reprise au lavis par Victor Hugo.
Ici, c'est Hugo qui gagne car, étrangement, un grain épais vient couvrir une partie de la photographie. Difficile d'en déterminer la cause. On note aussi un peu de retouche, l'image semble comme nettoyée, poncée surtout pour son sol.
Est-ce la présence d'une petite fille qui cause cette perturbation de l'image ?
Comme souvent les enfants sur les cartes postales des cités et du Hard French, cette fillette trouve une distance entre elle et le photographe. Être là mais ne pas être le tout de l'image. Il faut lui garder une neutralité tout en l'animant, ne pas faire un portrait mais signaler une présence.
Toujours tenter d'entendre le dialogue entre le photographe et l'enfant :
 - Oui, si tu veux, mets-toi là mais pas trop près. Voilà, ne bouge pas, ne t'approche pas. Oui oui tu seras sur la photo avec ton chat.
Reprendre sa voiture, développer les films, les retoucher un peu, les éditer en cartes postales et finalement, pour les restes des jours, des années, dans un grain gris, maintenir l'enfance à jamais.
C'est l'heure exquise.









mercredi 25 novembre 2015

Comment j'ai rencontré Alvar

En 2012, la ville de Royan avait organisé un colloque autour de l'œuvre de Jean Prouvé. Nous avions la chance d'y assister dans le Palais des Congrès, à l'intérieur de la grande salle composée des panneaux si caractéristiques de l'ingénieur et qui faisaient, avant la pose de la façade de verre,  la séparation entre le dedans et le dehors. Ici, depuis mon siège, je voyais parfaitement ces panneaux, tentais de les compter en m'interrogeant sur leur couleur noire, me demandant si cette couleur était d'origine lorsque, soudain, un type d'à peu près de mon âge, accompagné d'un beaucoup plus jeune vinrent s'asseoir dans la rangée juste devant moi.
Pris dans ma contemplation de la salle, je ne pus tout de même qu'être surpris par leur conversation. Je compris rapidement qu'il s'agissait d'un père et de son fils, celui-ci étant prénommé Jean ou Jean-Jean selon que le père semblait agacé ou heureux de ce qu'il avait à lui dire. Ils parlaient tous les deux des futures études d'architecture du jeune homme, le père voulant ici convaincre son fils de la pertinence de sa venue et de son écoute de ce colloque. Jean-Jean arborait un magnifique T-Shirt Metallica très usé dont j'ignorais si cette usure était due à la fréquentation régulière par le jeune homme des concerts de Hard Rock ou bien à un effet d'impression pour le rendre vintage. J'observais aussi une longue cicatrice descendant du lobe de l'oreille gauche vers l'arrière de son cou.
Un accident ?
Le père, assez chic mais sans ostentation, laissa à sa gauche sur le fauteuil libre une casquette italienne, son appareil photographique Sony et le très beau guide sur l'architecture de Royan écrit par Antoine-Marie Préaut. Je remarquais que ce guide avait de nombreuses pages écornées, ce qui me fit presque mal mais je compris que le père devait s'en servir vraiment comme un guide et, plus tard, cela me fut confirmé.
 - Ça sera pas trop long ?
 - Ça n'a pas encore commencé Jean, tu peux être un peu patient deux secondes ?
 - Ça finira vers quelle heure ?
 - Tu sais lire ? Tiens regarde sur le programme.
 - Oh purée ! Non ! Une heure ?
 - Mais qu'est-ce que tu as de si pressé à faire ? Tu peux me le dire ?
 - Ba, à la mer, on nage, on fait du surf... Tu vois des trucs de jeunes quoi ? Regarde cette salle y a que des vieux à ta conférence...
 - Ce n'est pas MA conférence mais bien plus la tienne. Qui a voulu faire des études d'architecture ? Toi ou moi ? Tu crois pas qu'apprendre quelque chose sur Prouvé sera intéressant pour toi ?
 - Ouais ouais, mais bon, là ça fait trois jours qu'on se tape les villas et j'aimerais bien faire autre chose.
 - Chut ! Tais-toi, ça commence.
Je vis alors l'adolescent sortir de son sac à dos un gros carnet qu'il feuilleta un moment pour y trouver une page blanche. Vautré littéralement dans le fauteuil rouge, il avait un étrange tic. La tête appuyée sur sa main gauche, son index tapotait régulièrement sa cicatrice pendant que la main droite prenait des notes et faisait des croquis des diapos projetées. Finalement, il fut extrêmement attentif à la conférence jusqu'au témoignage d'une des filles de Jean Prouvé.
 - On s'en fout non que son père il était gentil avec les ouvriers ?
 - Tu peux le penser Jean-Jean mais cela dit aussi des choses sur la relation de ce type avec le monde et l'achitecture, tu crois pas ?
 - Mouais... enfin, moi je sais toujours pas en quoi c'est un génie.
 - Je suis d'accord avec toi, affirmai-je alors.
Je ne sais pas pourquoi mais par cette phrase, je m'étais permis de prendre part à leur conversation. Jean-Jean se retourna et regardant son père :
 - Tu vois je suis pas le seul à le penser.
 - Pardon je n'aurais pas dû intervenir mais je suis très intrigué par les beaux dessins de votre fils.
 - Ah ? C'est gentil... mais il ferait bien mieux d'être plus attentif, cela serait utile pour son avenir. Mais vous avez raison, il dessine bien celui-là.
 - Celui-la ? En voilà une manière de parler de moi ?
 - Oui Jean-Jean, j'avoue que tu as raison !
 - On sort ?
Jean-Jean était déjà debout et ramassait ses affaires, au même instant la conférence prit fin et on eut l'impression que c'était Jean-Jean qui déclenchait ainsi sa clôture.
 - Pardon, David Liaudet.
 - Lestrade, Alvar Lestrade et lui, vous le connaissez, mon fils
 - Bonjour.
 - Bonjour  moi c'est Jean-Jean.
 - Je vais faire la visite de Notre-Dame, vous y allez aussi ?
 - Oui, mais... peut-être tout seul finalement...
 - ...Non, non je vais venir aussi,  Papa ! Ça, au moins ça va me plaire comme architecture. Et Papy il m'a fait la démonstration, je veux voir ça, comment ça marche.
Nous sortîmes donc tous les trois, Jean-Jean me permit de regarder ses dessins superbes. Je lui fis des compliments. Il me donnait des détails, là la déception du tracé de son ombre, ici une proportion un peu ratée ou encore ce qu'il avait ressenti devant les bunkers de la côte, hier et comment il s'était faufilé dedans contre l'avis de son père.
 - Tu étais surtout curieux des graffitis dedans et dehors, reprit son père.
 - Il a raison, tout chemin est bon pour regarder de l'architecture, même les graffitis.
 - Alors, si vous allez dans son sens David... Croyez-moi, il sait trouver ses chemins tout seul. Le problème c'est que la dernière fois, ça lui a coûté la belle cicatrice sur son cou et une frayeur pour nous tous....
 - Comment tu t'es fait ça ? demandais-je à Jean-Jean....
 - ......euh.... Ba.... un pari à la... con... j'avais cru que je pourrais monter le plus haut possible sur la pente du volcan au Havre, Vous voyez...
 - Le bâtiment de Niemeyer ?
 - Oui, c'est ça ! Je me suis lancé et si j'ai bien monté le long de la courbe... ba... je suis tombé en arrière et mon skate m'a déchiré méchamment le cou.
 - C'est sa blessure de guerre ! Il en est presque fier ! Reprit son père.
 - Moi, je trouve qu'il peut !
 - Son problème c'est qu'il ne voit les constructions que comme des lieux pour le skate, il en a une lecture d'ailleurs très pointue ! Ça j'aime bien mais quand il le pratique, j'aime moins !
 - Je comprends Alvar, vous avez raison mais alors il faut absolument que Jean-Jean voie le toit de Notre-Dame ! La voûte, là-haut, c'est le plus beau parcours de skate et... sans doute, d'une certaine manière... le plus mortel !
 - Oh Putain, je veux voir ça ! On peut voir ça ? s'enthousiasma Jean-Jean.
Lorsqu'on arriva enfin tous les trois sur la double courbure du toit, même Jean-Jean resta silencieux. Il mit plusieurs minutes à se décider à mettre un pied dessus et oser marcher.
 - C'est ça que je veux faire, Papa, tu vois c'est ça que je veux construire un jour !





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 - Ah tu as remarqué aussi !
 - Oui c'est marrant !
 - Je me suis dit que ton père pourrait nous dire s'il y a bien un lien entre les deux ou si c'est juste un effet d'image.
 - Je vais demander à Papy Momo aussi, doit savoir ça, lui.
Dans la main de Jean-Jean, il y avait la carte postale de l'entrée du tunnel du Mont Blanc, superbe signal de béton, superbe construction pour la pénétration.
En tenant cette carte postale à la verticale et en en camouflant une partie par le plat de sa main, on pouvait imaginer qu'il s'agissait d'une partie de la nef de Notre-Dame de Royan et de ses fameux V Laffaille. Mais ici aucune raison technique ne semblait être l'objet d'un tel dessin car cet auvent de béton ne servait qu'à signaler l'entrée et à la protéger des chutes de pierres. Peut-être que cette dernière raison était la plus juste, soutenir ce poids accidentel. Pourtant, aucun doute, on s'amusait vivement de ce rapprochement.

 



Sur la grande table, je regardais les autres cartes postales tirées des archives du grand-père d'Alvar, l'arrière-grand-père de Jean-Jean que celui-ci avait connu trop peu de temps mais suffisamment pour lui communiquer le sens de l'espace. Alvar les avait toutes rassemblées depuis qu'il en avait entrepris l'inventaire dans les archives de Jean-Michel Lestrade.
Alvar étala les cartes postales une à une formant un damier superbe et émouvant qui recouvrit presque la totalité de l'immense table blanche. On s'amusait des reconnaissances de Jean-Jean se rappelant avoir vu ça dans un livre, ça dans un cours ou ce bâtiment pour de vrai, en voyage.
 - Tu vois, David, j'ai pensé que tu voudrais voir tout ça... Toi avec ta collection, ton blog... Tu sauras quoi faire. Moi, tu vois, je ne sais pas trop quoi en faire, me dit alors Alvar.
 - Fais ça, fais ça comme ça, simplement, avec lui, avec Jean-Jean, le plus souvent possible.Y a rien à ajouter, y a rien d'autre à faire.


Par ordre d'apparition :
- Royan, église Notre-Dame de Royan, Guillaume Gillet architecte, édition du Comité de Vigilance Brutaliste, Ville de Royan, 2013.
- Chamonix, Tunnel routier, entrée côté français, éditions La Capitale, expédiée en 1966.
- Royan, intérieur de l'église Notre-Dame de Royan, Architecte Gillet, éditions Iris par Théojac.




lundi 23 novembre 2015

La COP21 ? Je m'en fous !

 - La Cop21 ? Je m'en fous !
C'est ce que Jean-Jean le fils d'Alvar avait lâché à son professeur d'architecture. Depuis quelque temps il en avait marre de la leçon écolo bois brut de sève de son enseignant qui ne rêvait que de détruire partout les barres Hard French pour les remodeler façon néo-art-déco-vieux-troskyste, y installer des jardinets participatifs à la con, des bancs poétiques sonorisés avec réalité augmentée et de faire des petites résidences proprettes à "échelle humaine" comme il disait le prof.
Jean-Jean lui rétorquait Colisée à Rome, Turbosites, Métabolisme, Corviale.
Il commençait à se demander s'il avait bien fait de suivre ce cycle d'études rempli d'une jeunesse suiveuse, ennuyeuse et rétrograde ne voyant l'avenir que par des pavillons végétalisés où on lui demanderait de dessiner des cabanons avec poubelles bien rangées pour le tri de leurs ordures.
Lui, Jean-Jean, il aurait voulu dessiner une centrale électrique, haute, lourde, puissante et fumante et crasseuse. Lui, il aurait voulu faire des murs hors d'échelle, des poursuites infernales dans des dédales infinis, fendre des blocs à la dynamite pour y installer une chaise et des concerts de rock.
Il aurait voulu la pluie incessante sur un béton gris coulant à l'envi. Il aurait voulu voir enfin le mur de l'Atlantique sur le parking des centres villes. Il aurait voulu des voûtes incalculables par ces imbéciles de Macintosh, il aurait voulu des cryptes profondes pour acheter le pain noir.
Il laissa sa maquette de carton qu'il trouva soudain minable. Il sortit.
Il revoyait son père, se demandait ce qu'il devait faire de la promesse qu'il lui avait faite de devenir architecte.
 - Déconne pas Jean-Jean, allez quoi... Reviens...
 - Pas sûr ! Mais t'es gentil.



 


Denis, le meilleur ami et compagnon d'études avait suivi Jean-Jean jusqu'à l'extérieur. Ils partageaient tous deux ce désir d'une architecture vraiment ouverte, puissante, politique. L'une de celles qui troublent les enjeux et qui surtout "emmerdent toute intégration", mot haï car synonyme d'une architecture disparaissante et invisible. Ils aimaient surtout sentir leur corps présent, vivant et travaillant. Ils aimaient tous deux, marcher, retenir leur poids, s'écorcher au planches fossilisées dans le béton.
Ils voyaient l'architecture comme un immense praticable à la vie, bien plus proche de la vision d'un skateur que de celle d'un piéton.
 - Y a une expo sur l'A.U.A, tu sais, on pourrait y aller, si tu veux, Jean-Jean ? Tu les aimes bien je crois ?
 - J'sais pas... Plus envie. Trop tard. T'as une clope ?
 - Va te faire foutre mon gars ! Tu m'as juré de ne jamais t'en redonner quand t'as fait ta crise de l'homme sain ! Vas chier !
 - Allez copain... allez...
Les deux compères éclatèrent de rire.
 - Non mais vraiment t'as aucune tenue ni morale toi !
 - Denis... s'te plaît... Sinon... Tu sais... de quoi je suis capable...
 - Allez, arrête ! Viens avec moi. Fais pas chier. Allons voir l'expo. Prends ton carnet de dessins et viens, je t'attends. Toute façon l'e.c.t.s on l'aura pas.
Jean-Jean remonta dans sa salle de cours, prit son sac en vérifiant bien qu'il avait son carnet de dessins. Il le trouva en effet. Il le gardait jalousement. Il y avait dedans les croquis de Ronchamp, de la Cité Radieuse faits l'an dernier et surtout il y avait en première page le simple mais efficace dessin de son grand-père Mohamed pour lui expliquer le système des V Laffaille et la petite feuille de papier pliée pour en démontrer le fonctionnement. Le cahier comme pris d'un surpoids tendait par sa couverture un énorme élastique plat au bord de la rupture. Jean-Jean le remplissait de dessins, d'articles de presse, de notes, des blagues Carambar que lui donnait Denis chaque matin dans un rituel rien qu'à eux, au café. Il y avait aussi deux Polaroids, l'un d'Élodie à Portbou devant le monument de Dani Karavan pour Walter Benjamin et l'autre de Denis montrant son cul dans une soirée arrosée et que Jean-Jean menaçait toujours de montrer au cas ou son ami lui refuserait un service.
En partant, il regarda la salle, certain qu'il n'y reviendrait pas. Il regarda ce professeur avec ses cheveux en catogan noués sur le dos, son pull péruvien acheté lors d'un voyage pour "rencontrer les vrais gens" et ses sandalettes de cuir, demandant à un étudiant "quelle est votre position ?". Il regarda aussi les autres élèves. Il en regretterait certains. Mais il était certain à ce moment-là qu'il ne reviendrait jamais là, jamais.
 - J'ai remarqué un truc Jean-Jean.
 - Quoi Denis ?
 - T'as beau être un pauv'con mal luné, tu m'amuses. Et putain, tu dessines bien. Tu veux un Carambar ?




dimanche 22 novembre 2015

Transmettre et construire




 Alvar venait de prendre place dans l'une des boules du téléphérique de Grenoble. Il avait voulu monter seul, son père Momo et sa mère Sidonie avaient laissé le jeune garçon et étaient montés juste derrière dans la deuxième boule. Ainsi ils pouvaient se faire des signes et les parents étaient heureux de la joie simple de leur garçon empruntant ce beau moyen de transport si moderne.
Ce que ne savait sans doute pas encore Alvar, c'est que le Groupe 6, les architectes de Grenoble ayant dessiné cette station de téléphérique, avait fait appel à son grand-père et à son jeune père pour régler certains points importants de la structure de l'appareil et notamment de son ancrage.
Les forces étant importantes et la sécurité devant être absolue, le père et le fils firent un travail attentionné et vérifié encore et encore.






















Jean-Michel Lestrade avait aimé ce projet qui, sous la forme d'une immense cage de verre, permettait aux visiteurs de voir depuis l'extérieur la belle mécanique et le mouvement d'arrivée et de départ des cabines. Il y avait là une belle idée et les verres courbés aux angles, les huisseries d'aluminium lui faisaient penser aux architectures de Novarina et ou de Prouvé.
Il trouvait aussi très juste qu'on puisse ainsi accorder beaucoup d'attentions plastiques à un objet construit hésitant entre génie civil et architecture. Jean-Michel regarda sa famille faire l'ascension, tout doucement tirée par les câbles. Il répondit aux nombreux saluts d'Alvar. À son retour il lui fera une petite leçon d'architecture et de technique car il avait compris qu'avec ce garçon c'était encore possible, Alvar aimait entendre ses histoires et portait à son père et à son grand-père une vraie admiration.................................................................
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 - Non, non, non... Enfin ! Mais regarde au lieu de fanfaronner...
 - Ba, Papa je vois pas le problème...
 - Momo bon Dieu, c'est sous tes yeux ! D'habitude tu es plus vif que ça ! Reprends la mesure là, celle-ci, regarde... Non... Là... Oui tu vois ?
 - Oh putain ! Oh pardon, je voulais dire zut...
 - Tu peux dire merde si tu veux mais tu me corriges ça et dare-dare !
Jean-Michel pointait son doigt sur les dessins de Momo et repoussait les calques et les brouillons dessinés par son fils. Ils tombèrent en un grand fracas, comme une immense cascade de papier depuis le haut de la table à dessin de l'agence dans l'indifférence du père et du fils. Il fallait d'abord que Momo comprenne d'où venait son erreur sur cet exercice en grandeur nature que lui faisait faire Jean-Michel sur des dessins de chantiers déjà livrés. Tous les soirs, pendant une heure, après son travail à l'agence et avant le repas, Momo se devait ainsi, puisqu'il avait décidé d'arrêter les cours, de suivre ceux de son père. Il y faisait d'habitude preuve d'une grande capacité de travail et d'analyse mais ce soir, sur les plans de l'école hôtelière du Touquet, il n'arrivait pas à saisir les jeux d'angles des planchers et des murs porteurs comme si sa capacité habituelle à projeter les formes dans l'espace mental était éteinte.


















- Non mais c'est pas vrai ! Mais tu as la tête ailleurs ou quoi ? Là, tu me remets les 8 millimètres sinon les clients ils dormiront dans le vide, crétin...
Momo ne put s'empêcher de rire à cette idée. Son père fit semblant d'être sérieux et en appliquant une petite claque amicale sur le rond du crâne de son fils finit lui aussi par éclater de rire.
 - Non mais sérieusement Momo ! Sois attentif !
 - Ba, je suis un rien crevé et puis...
 - ....et puis Monsieur sort ce soir... reprit Jocelyne qui venait de les rejoindre dans l'agence pour les appeler pour le repas.
 - Ba, voilà, des gens vont mourir sous les ruines d'un hôtel parce que Monsieur Momo a un rendez-vous galant ! Ah ! Elle est belle l'architecture française ! Elle a de l'avenir !
 - Tu ne crois pas Jean-Michel que tu en fais un peu trop... Et tout à l'heure encore tu es venu en catimini me dire ton admiration devant la rapidité de TON fils à faire les calculs pour une cabine de téléphérique... Alors ?
 - C'est vrai Papa ? T'as fait ça?
 - Oui... Bon... Oui... Tu t'en es bien tiré sur les fondations. J'aurais pas mieux fait c'est sûr...
 - Tu peux répéter ça Jean-Michel ? demanda Jocelyne.
 - Pas mieux fait... lâcha dans un souffle le mari.
 - Whaou... lâcha Momo à son tour.
Il y eut un silence. Jocelyne regardait les deux hommes assis côte à côte ne rien se dire de plus. Elle revit Momo à son arrivée à Pantin et ses petits bras ouverts, quémandant d'être porté par Jean-Michel.
 - Je vais pouvoir dire ça à maman Yasmina...
 - Oui, tu peux, mon grand, elle peut être fière de son fils, affirma Jocelyne.
 - Bon... euh... c'est pas tout ça, les congratulations mais moi j'ai faim... Et ça sent bon...
 - Oui tu as raison Jean-Michel, à table tous les deux sinon ça va être trop cuit.
 - Mais bon... Tout de même... Là il a failli faire une erreur et si je n'avais....
 - Oh, mon chéri, fais-moi plaisir... Ferme... l'agence pour ce soir....
On entendit Momo monter quatre à quatre les escaliers vers l'étage.
 - Tu peux nous dire ce que tu as de si urgent à faire là-haut ? Demanda Jocelyne à Momo.
 - Je passe un coup de fil à Gilles, il faut que je lui raconte ça !


Merci à Catherine Schwartz pour cette donation.
Par ordre d'apparition :
 - Grenoble, station du départ du téléphérique, éditions La Cigogne, expédiée en 1978.
 - Le Touquet-Paris-Plage, l'école hôtelière, édition Combier, Pierre-André Dufetel, architecte.
N'oublions pas que des menaces planent sur cette superbe construction...





 


















dimanche 15 novembre 2015

Soyez citoyens, soyez mobilisés !
















Bonjour à tous,
Difficile.
Toujours difficile de reprendre.
Mais voilà, je crois que l'action est le meilleur remède.
Nous avons déjà raconté ici le scandale de la destruction du Mirail, œuvre majeure de Georges Candilis et notamment de son université, éradication faite par les architectes Valode et Pistre associés à Cardete & Huet qui s'imaginent pouvoir en ne laissant rien garder l'esprit.
Allez lire leur texte sur leur projet, c'est d'une drôlerie... Un genre mixte superbe allant de la citation de Candilis au gothique en passant par l'inévitable et moderne canopée... Ce texte merveilleux et si intelligent nécessitait bien l'aide de Michel Serres...
http://www.v-p.com/fr/projects
On rigole et juste après on a honte.
Sur une ruine, peut-on vivre ce qui a disparu ? Va-t-on nous vendre la réalité augmentée, augmentée de la démagogie d'une politique d'éradication adossée à la pensée d'un vieux philosophe du star système ?
Méditons, méditez...
Je reçois donc à nouveau une alerte, cela sera sûrement la dernière avant la ruine totale, l'échec complet de la protection du Patrimoine moderne à Toulouse et sa région. Cela sera le signe de ce qui attend le Patrimoine moderne dans cette région, cela sera la preuve de l'inefficacité des institutions ayant laissé faire. Cela sera la preuve qu'être architecte aujourd'hui c'est écraser du pied l'héritage de la Modernité sans remord aucun, vraiment sans remord. Que vous a-t-on appris ?
Échec du désir ou échec d'un fonctionnement  des institutions ?

Alors vous pouvez agir.
Comme moi vous aimez visiter les lieux, vous aimez relire des vieux numéros des revues d'architectures, vous en faites des sites, vous aimez le vintage comme vous dites, vous aimez chiner la période qui est perdue, vous aimez visiter des expositions d'architecture, vous en achetez les catalogues et surtout vous les lisez, vous aimez en faire de l'art contemporain, du Design, vous aimez enseigner cette période, vous faites des blogs, vous aimez faire comprendre qu'il y avait là du génie et surtout de l'humanisme, vous n'aimez pas avoir du regret lorsque la disparition a eu lieu sans vous, alors vous devez agir, agir vite, maintenant, sans retard.
Soyez citoyens, soyez mobilisés !
Signez la pétition, partagez-la, parlez autour de vous de ce scandale, de cette bêtise ! Ne les laissez pas faire dans le silence ! Faites-le MAINTENANT !
Cela sera utile, croyez-le ! Soyez vivants !
Soutenons l'inititiative "les 101 patios du Mirail"
Comité de Vigilance Brutaliste.


Nous nous permettons de reprendre complètement l'appel ci-dessous :


Non à la politique de la table rase à la fac du Mirail !

Si ce message ne s'affiche pas correctement, suivez ce lien :

http://www.mesopinions.com/petition/art-culture/politique-table-rase-fac-mirail-preservation/13741
 

Chers amis du campus de Candilis, Josic et Woods au Mirail,
Vous avez signé la pétition "Non à la politique de la table rase à la fac du Mirail ! Pour la préservation et la rénovation d’un ensemble de bâtiments de Candilis."et nous vous en remercions.

Pour plus d'efficacité, nous avons créé une association, "Les 101 patios du Mirail" pour relayer notre demande de préservation et pouvoir être considérés comme un interlocuteur par les instances de l'université.

Nous concentrons nos efforts désormais sur un bâtiment placé à l'entrée du campus et qui est un des seuls encore debout, le seul par ses dimensions à être pleinement représentatif du travail sur la trame, grâce notamment à ses 7 patios. Il s'agit du bâtiment 18.

La revue d'architecture AMC a consacré, dans son numéro de septembre, un dossier à la démolition-reconstruction du campus du Mirail. Il est bien fait et il est désormais accessible en ligne. En outre, elle a initié un débat sur son site internet.

Nous vous invitons à y participer et à y déposer des réactions. Vous pouvez y accéder grâce au lien suivant:
https://www.amc-archi.com/photos/a-toulouse-l-universite-du-mirail-de-candilis-sera-t-elle-completement-rasee,3264/le-candilis-ce-qui-reste-du-b.1

Nous vous tiendrons au courant des prochaines rencontres et événements autour de notre revendication.

Les 101 patios du Mirail 



Quelques extraits de la revue l'Architecture d'Aujourd'hui mai/juin 1968 :






samedi 14 novembre 2015

Rouen à la hauteur du Havre

























Jean-Michel avait bien mis une vingtaine de minutes avant d'avoir accès à ce point de vue.
Il avait obtenu l'autorisation de la Société Lanfry grâce à l'intermédiaire de René Fernez pour cette ascension du clocher de la Cathédrale de Rouen qui lui permettait surtout de regarder la Tour des Archives pour laquelle il avait donné un sérieux coup de main pour la conception même si, comme Michel Ragon, il pensait que cela était curieux d'opter pour une tour comme choix de conservation des archives. Mais elle était belle cette tour, plantée un peu seule dans cette ville si martyrisée pendant la dernière guerre. Elle affichait une modernité implacable face à la Cathédrale dont l'hétérogénéité des époques lui donnait pourtant une singularité qui signait le profil de la ville de Rouen, fière de ce clocher métallique du 19ème siècle, précurseur lui aussi d'une modernité de l'architecture du métal.

























La lumière douce et un rien brumeuse faisait disparaître la rive gauche de Rouen au loin. Les gargouilles semblaient vouloir mordre les immeubles de la Reconstruction et Jean-Michel Lestrade regardait avec attention cette ville qu'il avait l'habitude de traverser pour se rendre au Havre depuis Paris....................................................


........................Dès qu'il avait entendu la nouvelle du décès d'Auguste Perret, Jean-Michel se décida à faire un aller-et-retour au Havre pour voir l'avancée du chantier de cette ville. Il trouva que c'était là la seule forme d'hommage possible, visiter le dernier chantier du maître français du béton. La route fut un peu longue et la Traction donnait quelques signes de faiblesse. En arrivant à Rouen, il fit une halte et constata là aussi l'avancée de la Reconstruction de la ville. Il ne savait pas à ce moment-là qu'il aurait bientôt à participer à un énorme chantier dans la ville aux cent clochers. La traction ayant refroidi, il repris la route.
Il aimait ainsi, seul, tracer son chemin vers ses objectifs architecturaux. Jocelyne ne lui demandait jamais où il allait mais s'inquiétait toujours au retour d'où et quoi il avait pu manger le midi. Derrière le pare-brise, Jean-Michel regardait le paysage de ce bord de Seine défiler dans les courbes du fleuve. Tout y était sinueux. Il trouva soudain, dans une lucidité éclairante qu'il avait de la chance. Il sentait que l'automobile et son énergie étaientt aussi faites de sa vivacité à lui, de son envie de fonder quelque chose, de participer à cet élan de l'époque, d'oublier les ruines. Sur le bord de la route, il repéra un homme chemise ouverte, un mouchoir noué sur la tête comme un chapeau qui faisait des signes à proximité d'une 4cv fumante. Jean-Michel freina à ses côtés et l'homme ouvrit la portière :
 - Oh merci ! Pouvez-vous m'aider ? Je vais au Havre ? Je suis en panne...
 - Oui, bien sûr mais peut-être n'est-ce pas trop grave ? Avez-vous vérifié votre niveau d'huile et d'eau ?
 - Ba, euh... enfin j'y connais rien... Je suis pas doué pour la mécanique...
 - Je regarde, voulez-vous ?
 - Oh oui ! merci, je m'appelle René, René Fernez.
 - Eh bien bonjour René, moi c'est Jean-Michel. Alors, voyons...
Le capot ouvert, Jean-Michel vérifia quelques niveaux. Bien vite il repéra le problème. Une fuite au radiateur.
 - Rien de grave. Je vais vous dépanner. On va attendre un peu que le moteur refroidisse et je vais remettre de l'eau. Vous ferez une pose régulièrement pour en remettre. Je vous laisserai mon bidon. Vous pourrez sans trop de soucis aller jusqu'à un garage pour faire réparer cela. Je vais vous suivre.
 - Vraiment ? je suis confus, c'est gentil. Vous êtes sûr que cela ne vous dérange pas ?
 - Non, on est presque au Havre maintenant. Je vais visiter le chantier.
 - Mais je travaille sur ce chantier, j'ai rendez-vous ce matin avec Audigier pour...
 -  Vous connaissez Audigier ?
 -  Oui... je m'occupe entre autres de la gestion des matériaux et ce matin je devais voir avec lui quelques détails pour l'église...
 - ...Saint Joseph ?
 - Oui... mais... enfin... vous avez l'air de bien connaître tout cela vous êtes dans le métier ?
 - oui, un peu... je suis ingénieur en structures, je travaille aussi parfois sur de tels chantiers et j'ai beaucoup d'admiration pour Perret alors quand j'ai appris la nouvelle, je suis venu.
 - Rappelez-moi votre nom ?
 - Lestrade, Jean-Michel Lestrade.
 - Royan vers 51...
 - Oui presque... 53
 - 53 ! J'étais jeune, je vous ai rencontré sur le chantier du front de Mer, vous êtes l'un des types qui dormait dans le chantier, cela faisait rire tout le monde !
 - Non ? Mais c'est tout de même incroyable ! Je vous rassure, aujourd'hui je dors dans des hôtels !
 - Ah ! Je m'en doute, c'est une joie de vous revoir. J'habite au Havre, si vous voulez venir à la maison ce soir cela serait un vrai plaisir. Je peux même vous faire une visite du chantier. Vous voulez ?
 - Oui mais remettons d'abord de l'eau dans ce radiateur et ce chiffon bouchera un peu la fuite. Remettez en route !
La 4cv démarra sans souci. Les deux hommes regagnèrent chacun leur véhicule, Jean-Michel se mit juste derrière et suivit René Fernez qui roula doucement. Il ne dut faire que deux petits arrêts avant de garer son véhicule juste devant le chantier de l'église Saint-Joseph.

















À peine sorti de la petite auto, un ouvrier vint à sa rencontre :
 - Ba alors Monsieur Fernez on dirait bien que vous avez une 4cv à vapeur !
 - Oui, Arturo, vous avez raison. J'ai une fuite au radiateur et sans ce monsieur je ne serais jamais arrivé !
 - On va s'en occuper Monsieur Fernez, les gars vont la remorquer jusqu'aux entrepôts. là-bas, Raymond il vous fera la réparation. Soyez tranquille.
 - Merci Arturo. Peut-on faire un tour sur le chantier ? Monsieur Lestrade voudrait voir ça de près.
 - Euh sans doute mais il va se salir le monsieur.
 - N'ayez crainte je connais ça par cœur, répondit immédiatement Jean-Michel.
Les trois hommes regardèrent la 4cv partir remorquée par une Frégate et ils se dirigèrent vers le chantier. Jean-Michel fut emmené partout par René. Ils mangèrent ensemble dans l'un des premiers appartements livrés. René raconta le bombardement, la peur, la ruine et l'espoir. Jean-Michel appela Jocelyne. Il ne repartirait que le lendemain pour Paris.
Saint-Joseph montait vers le ciel. Sa base solide attendait sa tour. Perret ne la verrait pas. Depuis elle dit la fierté d'une ville et d'une génération.

Par ordre d'apparition :
 - Rouen, vue sur la nouvelle cité administrative, la tour des archives. Éditions la Cigogne.
 - Le Havre, vue panoramique vers le Boulevard François 1er. Éditions Galf 1956.

dimanche 8 novembre 2015

Székely actualités

























40 ans !
Elle est encore toute jeune la Dame du Lac !
Depuis longtemps maintenant, ici, nous défendons l'œuvre de Pierre Székely dont le travail prolifique est connu et reconnu au travers de nombreuses cartes postales publiées sur ce blog : plus de 20 articles !
La liste est longue de ses œuvres mais c'est vrai que j'ai une admiration toute particulière pour la Dame du Lac à Evry-Courcouronnes.
Cette sculpture a (avait...) une particularité très spéciale puisque c'est également un mur d'escalade ! D'une grande qualité plastique sachant jouer des influences du sculpteur et de la nécessité pratique de sa fonction, la Dame du Lac est donc l'un des éléments identitaires  d'Evry. Une exposition retrace donc en ce moment son histoire et il est grand temps qu'enfin cette municipalité s'occupe des arts intégrés à sa ville car, pendant une période récente, la valse avait un tempo marqué par les marteaux-piqueurs...
Allez voir là :
http://www.agoravox.fr/actualites/info-locale/article/a-evry-monsieur-vals-renove-36789
Espérons une restauration rapide de la Dame du Lac et surtout qu'enfin, on puisse de nouveau l'escalader, la grimper, jouir du point de vue qu'offre son ascension. C'est bien d'avoir de la hauteur à Evry.
Pour les infos :
http://www.agglo-evry.fr/La-Communaute-d-agglomeration/Actus-et-Agenda/40-eme-anniversaire-br-de-la-Dame-du-lac
Je vous propose une nouvelle carte postale nous montrant cette Dame du Lac d'un peu loin certes mais intégrée dans son paysage :


















L'éditeur Image Chouette nous indique que nous sommes à...Courcouronnes la ville qui détruit les œuvres importantes de Paul Chemetov. Il est parfois difficile en effet de savoir exactement dans quelle ville nous sommes !
Le photographe est nommé, il (ou elle) s'appelle D. Planquette et décide donc d'inscrire la ville au fond de la verdure et de placer la Dame du Lac au milieu du cliché. On devine de minuscules silhouettes en train de l'escalader.
Voulez-vous revoir une autre carte postale ?
Oui ?
Allez...


















On notera qu'il s'agit du même éditeur Image Chouette et du même Photographe D. Planquette.
J'ai bigrement envie de revoir le film avec Victor Lanoux ou il s'entraîne sur la Dame du Lac pour faire un cambriolage !
En voici une autre, par contre inédite sur ce blog :


Cette sculpture de Pierre Székely est nommée au verso de la carte postale : Danse Solaire. Elle faisait partie de l'ensemble Renouveau à la Roche Béranger près de Chamrousse, aujourd'hui détruit je crois. On aimera bien évidemment la sculpture mais aussi la manière dont elle est photographiée, enneigée et très serrée dans le cadre ! Qu'est devenue cette sculpture ? Cette carte postale de Jean Bevalot fut expédiée en 1963.
Il se trouve que l'actualité de Monsieur Székely est riche puisque je reçois également de la part de Maria Székely un avis de vente aux enchères d'une partie importante de l'œuvre de son père. La vente aura lieu à PIASA le 25 novembre, le catalogue est en ligne ici :
 http://www.piasa.fr/pdf/catalogue/151027_pierre_szekely.pdf
J'aurais aimé avoir assez de moyens pour m'offrir le char de la page 2 ou bien l'une des estampes !


Alors à tous les collectionneurs, amateurs de l'œuvre de Monsieur Székely, je vous conseille un petit tour à la salle des ventes ou à Evry pour continuer à admirer une œuvre qui a su être populaire, ouverte et généreuse et qui ne méritait pas l'humiliation honteuse de Grand Quevilly.

mercredi 4 novembre 2015

Brasilia, ombre portée

J'avais envie de vous montrer que les villes se construisent parfois de rien, je veux dire pas de la ville elle-même.
Brasilia a surgi sur ordre avec ordre.
Sur ces cartes postales des éditions Foto Postal Colombo, on la voit naître, immense, ambitieuse, dessinée et encore en chantier.
C'est l'émotion de ce surgissement qui m'a toujours séduit chez elle. Elle s'impose. Il ne servira à rien de fouiller son sol à la recherche de fondations anciennes. Elle est ses fondations.
La première nous montre la Cathédrale en chantier et sa couronne d'épines posée sur le sol de terre battue et retournée. Incroyable image d'une architecture et d'une ville dans le moment même de son invention. Aurions-nous dû arrêter le chantier dans ce moment ? Aurions-nous dû maintenir l'architecture dans son état de sculpture ? J'aurais voulu la voir à ce moment-là, exactement. Encore un rêve, déjà présente, presque trop tard. Rouler sur les routes, bouffer de la poussière d'un chantier à l'autre, suivre Niemeyer en Jeep et sentir l'élan. Putain ! 
Voir monter de la forêt éradiquée une capitale ! Qui a vu ça ? Qui ?
Je ne sais pas si (je ne crois pas) j'irai un jour. Car ce jour sera trop loin de cet état qui lui, dans ma construction imaginaire est maintenu par les images, par les photographies, par l'Homme de Rio, par ma nostalgie impitoyable à mon monde.
Brasilia.
Brasilia.
En fait, alors même qu'elle est construite, et d'une certaine manière parce qu'elle est achevée, Brasilia a pour moi disparu.
Disparition d'une ville au moment même de son apparition. Est-ce possible ?
Dans ma main, deux photographies populaires imprimées pour le partage d'un moment d'une ville me disent que j'ai raison dans mon imaginaire mais certainement tort dans la réalité.
Ça sera tout pour aujourd'hui.









dimanche 1 novembre 2015

Jean Prouvé sur le pont

Continuons de regarder des constructions menacées en Région Haute-Normandie et plus particulièrement en Seine Maritime.
Hier, je suis allé à Dieppe pour voir le pont tournant Colbert, œuvre de génie civil de Paul Alexandre, d'une grande force et d'un intérêt patrimonial doublé car si ce pont est en lui-même une exception architecturale il est accompagné d'une cabine dessinée par Jean Prouvé.
Une telle rareté devrait, pensez-vous avec justesse, être depuis longtemps classée, restaurée, repérée par les services compétents et défendue comme un lieu permettant dans un même regard de voir le traitement du métal de deux manières différentes et significatives de leur époque. Une sorte de leçon du métal mélant l'imaginaire d'un Jules Verne avec celui de Spirou. Bref, un rendez-vous étonnant de génies de la construction et de l'ingéniérie en un seul lieu géographique. Comment peut-on passer à coté de cela ?
Ce lieu que je sache n'est pas perdu dans la campagne, inconnu, jamais vu, il est utilisé (et utile donc...) tous les jours par des citoyens profitant largement de cet objet architectural. Dieppe est une ville riche en Patrimoine, ouverte au mélange des styles et elle peut être fière de son passé et de son présent. Alors pourquoi ce ratage ? Comment font-ils pour être ainsi aveuglés à leur patrimoine ? Heureusement, comme d'habitude, il faudra que des citoyens amoureux et surtout semble-t-il surtout instruits à leur Patrimoine se mobilisent pour remuer un peu et éclairer ceux-là même qui devrait faire le travail d'éducation à ce Patrimoine...On rigole.
Je vous invite donc vivement à soutenir ces citoyens en vous rendant sur leur site ici :
http://www.pontcolbert.fr/a-propos-du-pont/
Signez la pétition, s'il vous plait :
http://www.pontcolbert.fr/comment-nous-aider/#petition
Vous aurez en plus toutes les informations techniques et historiques sur cet ouvrage superbe.
Mais j'avoue avoir un peu peur car nous sommes en Région Haute-Normandie dont on sait maintenant comment elle s'occupe du Patrimoine moderne et contemporain.
Une nuit, nous viendrons, si nécessaire, démonter la cabine de Jean Prouvé.
Voici quelques cartes postales de ce bel ouvrage. Comme c'est un objet puissant et peu commun les éditeurs en ont fait beaucoup de cartes postales. Je vous en propose trois qui ne sont certe pas rares mais qui donnent bien à voir l'intérêt de ce pont pour les dieppois.

















Cette première est une édition de la Compagnie des Arts Photomécaniques et nomme le Pont tournant du Pollet. Il s'agit d'un tirage tardif et de piètre qualité d'une photographie plus ancienne que l'on trouve abondamment. On voit le pont se refermant après le passage d'un gros voilier. On devine la cabine qui n'est pas encore celle dessinée par Jean Prouvé.
Beaucoup plus proche de nous dans le temps :

















Comment ne pas succomber au charme de cette image ? La carte postale est une édition La Cigogne en photographie véritable qui doit datée du milieu des années cinquante. Elle permet de voir la superbe et massive structure de métal du pont. On devine aussi la séparation piéton-automobile.
Et voici une troisième carte postale :

















On retrouve presque le point de vue de la première mais sur celle-ci, on devine la cabine de Jean Prouvé déjà construite sur cette édition GALF. Là aussi quelle ambiance ! Le pont referme le chenal après le passage des petits voiliers.


















J'ai eu la chance hier d'assister à l'ouverture du pont et d'en faire une petite vidéo. Je fus très surpris par l'incroyable silence et calme qui accompagne le mouvement de cette masse d'acier. Pas un grincement, pas un bruit, le pont tourne tranquillement sur son axe. C'est magnifique ce mouvement et tous ces mécanismes faisant leur travail sans heurt : une puissance tranquille.
Allez vite voir ça, on ne sait jamais...
Il va sans dire que la destruction de ce pont et de sa cabine serait une erreur patrimoniale grave et que ceux qui en seront responsables le seront au regard de tous.



Quelques photographies prises hier :