jeudi 2 mai 2024

micro architectures, micro éditions, maxi ambition patrimoniale

Comme convenu, je vous parle de deux micro-éditions publiées autour d'architectures ou de Patrimoine construit que nous défendons sur ce blog. On remarquera que la micro-édition est un bon moyen de diffuser justement cette passion grâce à une forme légère, amusante, libre.
On commence par une publication directement liée à ce blog puisque certains documents en sont issus.
Cette micro-édition porte par son titre tout le programme : la fusée céramique.
On sait qu'on aime et défend ce type de construction passionnante sur ce blog et on sait aussi comment il est tant que les agents du Patrimoine, (après la destruction honteuse de l'église de Grand Quevilly), se doivent d'être sensibles et donc sensibilisés à ce type si original de construction de voutes.
Prions pour que l'église de Serqueux soit définitivement sauvée. il y a urgence :

Tout est donc bon pour diffuser cette méthode inventée par Jacques Couëlle, c'est pour cela que j'ai répondu favorablement à la demande de Magali Wagner et Alban-Paul Valmary de leur prêter une image pour cette petite mais donc importante édition. Publiée dans le cadre de leur résidence au festival Sillon, elle retrace leur découverte de la technique, leur application avec la construction d'une poétique arche délicatement posée dans un univers de ruine (magnifique !) et un texte de contextualisation de leur travail commun et respectif.
L'ensemble forme un petit objet éditorial parfait pour rencontrer à la fois la technique de la fusée céramique que leur propre travail. Belle mise en page, choix judicieux des papiers et de du mode d'impression, ce petit document est vraiment bien fait. Il aura, j'espère, tout l'écho nécessaire qu'il mérite dans le milieu de l'architecture ou de l'art contemporain.
Merci à eux de m'avoir contacté.
@magali_wagner_ceramique
@alban.paul
@liquide_test_press
www.leseditionsdesmondesafaire.net
www.albanpaul.com





L'autre édition est un peu plus luxueuse mais reste modeste, en accord parfait à la fois avec les objets représentés et le sens-même de leur réunion. Comme collectionneur, je sais bien qu'il est parfois difficile de donner des raisons ou des orientations à sa collection et ici, tout est bien mis en place pour justement comprendre à la fois sa poésie et aussi presque la boulimie du collectionneur !
Heureusement, ma collection de cartes postales prend bien moins de place que celle de Julien Recours !
On découvre donc, dans un très élégant cahier, cette collection de micro-architectures que Julien Recours rassemble depuis des années avec une passion qui semble illimitée. 
Très très riche en images, en archives, le cahier est une merveilleuse porte d'entrée pour ceux qui connaissent peu ce monde des ramasseurs de ruines des utopies (oui on connait bien ça !), leur passion, presque leur abnégation mais c'est aussi pour ceux qui connaissent bien ce monde, un beau document de synthèse et un certain point de vue aussi sur l'avenir et le devenir de ces ruines. Comment les présenter , comment les rassembler ? Comment les restaurer ou, au contraire, les laisser dans leur état, montrant en quelque sorte la distance temporelle, l'épuisement de ces utopies maintenant bien lointaines. C'est aussi très beau comme ça, très dystopique.
En tout cas, il y a chez Julien Recours une sorte d'urgence d'accumulation assez exubérante qui mérite toute l'attention des amateurs de ce genre d'architecture mais pourrait être un exemple de comment on rend aussi accessible cette histoire pour tous les professionnels privés ou institutionnels du Patrimoine. 
Merci Claude pour le cadeau.

Bravo donc pour la qualité de l'édition et l'histoire qu'elle raconte.
On note que cette édition est disponible directement ici :
Recours Exploration
Le Pavé de Mézières
45340
Juranville
Vous pouvez contacter Julien Recours ici :
julien.recours@gmail.com
06 61 12 95 20


pour revoir les objets de Julien Recours sur ce blog :









































dimanche 28 avril 2024

Hétérotopie Mystère Frisson

 Dans ma collection, il y a beaucoup de cartes postales dont il m'est assez difficile de dire pourquoi je les achète. Montrant des espaces, des lieux, ces cartes racontent finalement peu l'architecture et sont bien moins identifiables comme des images descriptives. Du moins, il est plus difficile de comprendre leur raison et leur espace, mêlant les deux notions dans un sentiment d'étrangeté et de doute sur la nécessité de leur édition. Martin Parr a tenté de dire Boring Postcard mais même ce grand photographe et collectionneur ne semble pas vouloir prendre en compte ce malaise de la destinée de ces images ainsi éditées dont on ne sait si ce malaise est de hasard ou bien souhaité et même recherché par les photographes de cartes postales. Il s'agit donc d'interroger leur naïveté d'image ou leur position affirmée. Je crois plus en la seconde.
Restent donc des photographies éditées en carte postale dont on ne sait pas vraiment où les classer mais dont l'intérêt est immédiat, reconnues de suite comme produisant une émotion, une interrogation parfois étrange, presque au bord du malaise psychologique, du doute métaphysique. Alors, je le vois arriver le fantôme de Michel Foucault et son invention de l'hétérotopie. Je le vois arriver avec son cortège de ceux qui l'ont lu et de ceux qui ne l'ont pas lu. La tarte à la crème de cette hétérotopie qui a pris dans les écoles d'art la place qu'avait simplement l'étrangeté est maintenant galvaudé, écoeurante, collante.

Ici, bien loin de Michel Foucault dont on ne sait rien, nous nous plongerons dans la naïveté sauvage de notre rapport à ces images, dans notre sensation, dans un imaginaire trouble. Nous n'en demandons pas plus à ces images. Mais nous pourrons tout de même, dans le même mouvement de doute, reconnaitre qu'elles sont parfois des œuvres conscientes, construites pour nous et, parfois aussi malgré nous, malgré sans doute aussi le photographe ou l'architecte du lieu ainsi cadré. Tout tient d'ailleurs dans cette dernière idée : un cadre. Et, s'il vous plait, ne tombons pas dans l'idée de sa violence, de son autoritarisme. Non, le cadre photographique ce n'est pas plus surveiller que punir, le cadre photographique, bien au contraire, comme celui qui dessine une carte géographique, c'est d'abord un nouveau terrain, un nouveau lieu, au moins, une certaine idée de sa traduction. C'est donc une poésie.
Essayons de regarder ensemble ces lieux mais surtout ces images.
En voici une :


Que déterminer de ce lieu depuis cette image ? Pourquoi donc J.A. Fortier est venu là faire ce cadrage ? Que voulait-il nous montrer ? Sa sensibilité à l'espace, à ces éclairages, à la construction magnifique des ombres et des lumières dans un espace à la fois magnifié par le noir et blanc et un rien effrayant, carcéral, presque violent d'autant de pureté ? Ne voyons-nous pas là l'héritage d'un certain expressionnisme ? Ne voyons-nous pas Murnau surgir soudainement ? Et le silence qui nous est imposé nous oblige aussi depuis une telle photographie à une forme d'humilité voire, un peu, de peur. C'est inquiétant. On est inquiétés. On ne se sent pas vraiment à notre place car rien ne nous accueille que la succession radicale des formes éclairées aussi durement. Et le couloir étroit ne débouche que sur le crucifix qui semble bien peu rassurant finalement, ce qui est un comble. On ne sait pas vraiment ce qui nous attend derrière chacune de ces portes et on a peu l'envie de le savoir.
Pourtant nous savons tout : Monastère des Bénédictines, Notre-Dame du Calvaire, J. Philippe, architecte. Et donc aussi J.A. Fortier, le photographe. Qu'ont-ils pensé l'un de l'autre, le photographe et l'architecte de leur travail respectif ? On ne le saura sans doute jamais.

Et que direz-vous d'être avec moi ici :


Encore un couloir vide, un virage, le palier d'un ascenseur. Tout est tenu dans cette teinte chaude, presque orange. La composition de l'image est tellement solide qu'il m'arrive encore de la tenir à l'envers, plafond au sol, sol au plafond. Qui ne pense pas immédiatement à Shining devant une telle carte postale ? Qui pour en ignorer la puissance psychologique, l'inquiétude qui monte d'un tel espace aussi cerné, aussi plein ?
Et pourquoi donc devrions-nous avoir peur ? Parce que nous y sommes seuls ? Parce que rien n'est ouvert, rien ne nous projette dans un autre espace ?
Remarquez comme le photographe est bas ! Regardez notre horizon qui est presque exactement à la hauteur des poignées de porte ! Devinez-vous pourquoi donc le photographe accorde ainsi une place si particulière au sol ?
Et bien nous avons la réponse !
Au dos de cette carte postale du Passy Plaza, on nous indique que les boiseries des paliers et la moquette en laine furent spécialement conçues pour ce Passy Plaza. Mais que devons-nous  faire d'une telle information ? Pourquoi donc en faire une image ? Qui pour avoir la nécessité, par une correspondance, de signaler cette particularité à un destinataire ?
Une certaine idée du luxe ? Mais le luxe ce n'est pas le luxe si on vous le fait remarquer, si on le pointe ainsi...
Et pourquoi une image, une photographie ayant comme objectif de partager une particularité produit ainsi un certain doute, un certain frisson inexplicable ? Pourquoi ce mal-être devant de la moquette et des boiseries ?
C'est là une certaine idée de la métaphysique. Aucune raison : toutes les peurs.
La carte postale n'affiche ni nom d'architecte, ni de photographe, même pas d'éditeur. Mystère. Frissons.



mardi 23 avril 2024

Le vide parfaitement tenu à sa place

 Il est toujours délicat d'expliquer pourquoi on a (ou pas) une émotion spatiale dans un lieu. Certainement aussi parce que le mot émotion est toujours un peu douteux, galvaudé, usé par l'émotivité ambiante, contre-carré par la raison et débouté de toute intelligence.
Alors quand un objet de peu se permet, par son image, de vous donner un sentiment de plénitude, d'espace on est souvent dépités devant sa propre émotion.
Quel est donc ce mystère ?
Nous avions déjà ressenti ça académiquement un peu ici et nous avions tenté de l'expliquer :
Mais là, l'objet est assez loin de mes préoccupations puisqu'il d'agit d'un manège d'équitation pour un club de sport : l'UCPA de Segonzac.
J'ai immédiatement aimé cet espace, la lumière qui le baigne, la demi-lune qui encadre le paysage au fond et, comme le font les échos d'une pierre lancée dans l'eau, les courbes en lamellé-collé  qui couvrent cette espace tranquille.
La tonalité chaude qui baigne ce lieu est servie par des lumières crues en ligne tombant du haut, le rai de lumière accentuant la perspective et la fuite du regard vers l'ouverture : arbres, ciel.
Mais que raconter architecturalement de ce genre de lieu ? Que dire ? On note que l'éditeur APA-Poux ne nomme pas d'architecte car il est possible que ce soit surtout une architecture d'un constructeur bien plus que d'un architecte. On imagine la fierté de l'entreprise ayant produit les arches en lamellé-collé pour ce lieu, les joies du chantier, voir l'espace, arche après arche se définir.
On note d'ailleurs la finesse de chacune des arches, leur maigreur. Est-ce pour cela qu'elles furent ainsi multipliées et que cette répétition régulière rythme si bien ce ciel de bois ?
J'entends aussi l'architecture. Je veux dire que l'image produit une certaine idée du son qui l'habite, un son fait d'échos, de profondeur, de gravité où les pas des chevaux feutrés par le sable et la sciure font une musique tranquille.
L'architecture c'est pourtant bien aussi ces objets simples, pratiques, pragmatiques. Un terrain à couvrir pour une activité quelconque : pas ici de désir d'image de soi pour un architecte vaniteux, juste le besoin et la fonction : tout est en ordre.

Et sans aucun doute que ce qui prend le plus d'importance dans cette superbe carte postale c'est le vide parfaitement dessiné, le vide parfaitement tenu à sa place.
C'est bien ce qui fait les grandes architectures ou, au moins, les belles images d'une architecture.



mercredi 10 avril 2024

Club des Jeunes Ed-Kit enfin reconnu, enfin exposé, enfin édité

 Il y a peu de choses qui me ravissent autant que de voir de vieux combats finalement finir en de vraies résurrections. Et il y a bien longtemps maintenant, au tout début de ce blog, (notre jeunesse) nous osions ici même chanter des objets architecturaux bien oubliés : club des jeunes, centres commerciaux, piscines Tournesol, Station-Service, petits édicules divers tous oubliés des grandes pages de l'Histoire de l'Architecture et des pensées patrimoniales.
Encore aujourd'hui....
Alors, quand on sent le vent de l'Histoire tourner un peu, on ne peut que se réjouir et se dire qu'on n'a pas trop loupé son coup.
Je veux d'ailleurs redire une fois encore que, dans cette course contre l'oubli, Dominique Amouroux et ses publications y sont pour beaucoup, en tout cas pour ce blog.
Merci mon cher Dominique.

Voilà que je reçois ce matin, deux objets éditoriaux : une carte postale et une minuscule mais ravissante publication, deux éditions nous rappelant l'importance conceptuelle, plastique et historique des Clubs des Jeunes, du modèle Ed-Kit.
Ces deux éditions ont d'ailleurs trouvé leur forme lors d'une exposition-hommage sur les Ed-Kit que malheureusement je n'ai pas pu voir. Mais voilà qui est bien agréable ! Bien important même ! Poser ainsi un regard aussi généreux sur un objet ayant frôlé la disparition historique c'est bien là une disposition d'esprit importante que nous ne pouvons ici que cautionner.

Voici déjà la carte postale qui nous montre le Club des Jeunes de Roissy-en-Brie, édition QBM design & Plus :



La petite publication ne fait que quelques centimètres, se présente en pages très solides un peu comme un imagier de l'enfance, dans un format carré avec beaucoup d'images parfois minuscules qui rendent compte à la fois de l'histoire des Clubs des Jeunes mais aussi de l'exposition qui eut lieu.
Ce petit monument plein de grâce, plein de petites silhouettes penchées sur des maquettes et des dessins est bien émouvant et joyeux. On dirait que les historiens des bords de l'architecture aiment se fabriquer ainsi des micro-éditons. On verra bientôt un autre cas sur ce blog.
Je vous en montre quelques images, ma main indique l'échelle.

Au-delà de ces deux éditions, cela repose le problème de la patrimonialisation de ce genre d'architecture à la fois populaire et intelligente mais aussi fragiles et multipliées. On voit le danger de leur disparition une à une, un peu comme le syndrome des piscines Tournesol qui, devant leur grand nombre ne sollicite pas l'idée d'une urgence de leur préservation.
Et, pour les Clubs des Jeunes, il est certain aussi que l'objet-même et sa fonction, n'en font pas des objets particulièrement visibles pour les politiques, les historiens. Souvent, c'est leur usage et leur place dans les histoires locales qui les sauvent, comme si la tendresse des expériences vécues venaient combler le manque de reconnaissance historique (voir celui superbe de Marçon). Mais ! Mais voilà ! Ça bouge ! Et ce genre d'initiative que l'on doit à QBM Design & Plus avec des auteurs comme Emmanuel Delabranche, Titouan Orvoen et Alexandra Roullé nous permet d'enfin espérer une inscription rapide et un intérêt poussé pour ces constructions.

Je remercie toute l'équipe de m'avoir fait participé à cette aventure avec Raphaël Firon.
Quelle belle surprise !
Sauvons, sauvez, défendons, défendez vos Clubs des Jeunes, quelque soit leur modèle !
En espérant que cette expérience soit renouvelée sur d'autres objets architecturaux !
David Liaudet

Pour revoir des Clubs des Jeunes sur ce site depuis...2011 !





























jeudi 4 avril 2024

j'aime bien tout casser à Rochefort-sur-Mer



Oh il n'y a pas grand chose à dire de cette carte postale Elcé que vous ne pourriez pas dire à ma place ! Oui, on notera que le photographe nous fait le coup du contraste et de la juxtaposition de l'ancien et du moderne en mettant bien au fond de l'image la grande et belle grille du Centre Hospitalier de Rochefort-sur-Mer comme s' il fallait qu'elle soit loin pour...être regardée...
Pourtant ce Nouveau Centre Hospitalier est bien une sorte de Cité Radieuse qui ne s'ignore pas et il ne fait aucun doute qu'il n'y a pas là un rapprochement de hasard. L'architecte de cette  barre épaisse on le connait bien sur ce blog, c'est Marc Quentin, l'un des architectes de Royan, ancien propriétaire d'ailleurs de la Villa  Prouvé à Royan, mais il fut aussi surtout l'architecte de la Ville de Rochefort-sur-Mer.
C'est lui aussi, si on en croit la légende royannaise, qui fit poser un pan de verre sur la façade du Palais des Congrès de Royan, pan de verre si décrié pendant des années mais qui permit finalement de protéger sans doute ce Palais récemment restauré.

On regrette d'ailleurs que nous n'ayons pas de carte postale nous montrant plus franchement, frontalement ce Centre Hospitalier dont la rigueur et la netteté ont été si mal jugées pendant longtemps.
Le jour où nous ferons un tour de France des Presque Cités Radieuses (idée de Julien Donada), nous devrons bien évidemment installer celle-ci sur le podium.
Mais voilà, la vie se charge de transformer ces édifices et celui de Marc Quentin a senti le vent du boulet...heureusement au moins ce morceau principal, le bâtiment essentiel ne fut pas détruit et il est en ce moment-même en reconversion pour un nouveau projet immobilier qui en maintient la silhouette, la façade.
On doit sans doute s'en réjouir et nous irons volontiers voir ce que cela donne une telle reconversion bien courageuse. Pour une fois...
Dans les deux liens que je vous donne pour vous permettre de mieux connaitre et suivre ce projet, j'ai une tendresse toute particulière pour Cyril Malet, conducteur de travaux pour l'entreprise Charier qui lâche dans un sourire de gamin :
"Ah ! j'aime bien tout casser !"
Comme on le comprend ! Et pourtant, nous sommes bien plus du coté de ceux qui maintiennent. Mais voilà, il faut aussi regarder l'ensemble des opérations de réhabilitation, l'investissement que cela réclame pour comprendre aussi que le sauvetage d'une construction et le maintien de son sens demandent aussi certains sacrifices et que tout cela est avant tout un engagement de personnels travaillant dans des conditions difficiles.
Un ode à la poussière.
La reconversion est donc confiée au groupe Joël Nissou dont on peut lire cette déclaration sur son site à propos de ce projet : 
Respecter une écriture architecturale représentative de l’époque moderne tout en lui conférant une nouvelle identité ambitieuse et respectueuse des valeurs du développement durable.

En voilà une bien belle déclaration ! On verra donc ce qu'il en est du respect d'une écriture architecturale représentative d'une époque une fois que le bâtiment sera terminé.
On a hâte, vous l'imaginez bien.

Pour voir le site du groupe Joël Nissou :
Pour en savoir un peu plus sur Marc Quentin et sa carrière :
Pour voir à quoi devrait ressembler le bâtiment après réhabilitation :
Pour revoir Marc Quentin sur ce blog :
etc....



dimanche 31 mars 2024

Mon ami, mon ami disparu : Dominique Amouroux

 Tu te rappelles Dominique comment nous aimions rire du peu d'intérêt des institutions patrimoniales pour le Patrimoine du Vingtième Siècle ? Comment tu me disais qu'ils ne comprenaient rien et qu'en plus, ce rien, ils le comprenaient en retard ?
Tu te souviens que nous avions fait une belle émission sur Radio On au Mans dans laquelle tu expliquais la genèse de ton si célèbre Guide d'Architecture Contemporaine  qui reste ma bible mais aussi le carrefour de notre rencontre avec notre ami commun Claude Parent ?
Tu m'avais fait l'honneur de venir à Evreux voir mon exposition où j'avais explosé sur les murs toutes les pages de ton guide et que, ravi, tu avais pu en retrouver un exemplaire que je t'avais offert.

Tu riais aussi de tes propres textes, de tes propres critiques, t'amusant de la radicalité de ta jeunesse en ne perdant rien de ta lucidité sur les effets inutiles d'une certaine architecture faite bien plus d'images que d'espaces.
J'avais pour toi à la fois de la reconnaissance, une certaine timidité, tu étais celui qui me recadrait, qui me donnait des pistes, qui approuvait ou non mes idées, mes textes, mes fautes historiques, mes colères.

Tu étais toujours disponible pour une précision, assez amusé de me voir patauger dans les attributions.
J'ai épuisé tes guides avec Claude, courant de centres commerciaux de Parent en piscines Tournesol à une époque un peu lointaine maintenant où le Brutalisme et le Vingtième Siècle n'étaient pas du tout mainstream. 
Je t'envoyais des photos de l'état actuel des bâtiments, nous rêvions d'une réédition de ton guide en face-similé avec un volume montrant l'état actuel, nous rêvions. Tu rêvais.
Tu étais un très prolixe auteur sur l'architecture mais rien dans ton écriture, dans ton regard n'avait à voir avec ces pisseurs de copies. Tu étais avant tout un sensible et un joyeux.
Et surtout tu éprouvais l'architecture du coté de la sensualité et aussi d'un humour parfois décapant.
Ton sourire passait au téléphone.
Même dernièrement.

Alors, je ne sais pas ce que je vais devenir comme amateur d'architecture sans ton aval, sans ton expertise, sans cette sensibilité m'accordant aussi à moi, autodidacte de la critique architecturale, le droit d'écrire, de parler, de penser et de construire des textes et des combats.

Notre dernière conversation était sur Louis Miquel.

Je vais tenter de tenir même si je t'avais déjà indiqué une certaine forme d'épuisement face à l'incurie des institutions patrimoniales. On dira pudiquement : leur retard...

Je le dis simplement : sans toi, il n'y aurait jamais eu ce blog puisque ma volonté première en le créant était de faire un inventaire des constructions présentes dans ton guide.  Chaque article est un hommage à notre rencontre. Il n'y aurait pas eu non plus mes engagements pour Claude Parent, pour Sens, pour Ris-Orangis, sans toi, je n'aurais pas découvert le mobilier de Perriand et Prouvé au Mans, je n'aurais pas eu l'énergie de sauver une bulle six coques avec Piacé, de faire ma Chronique Corbuséenne sur Radio On, de faire aussi toutes ces conférences, tous ces constats accablants sur l'héritage architectural du XXème siècle. 

Je ne me serais pas senti légitime. C'est ça. C'est ça que tu m'as offert, mon cher Dominique, une légitimité et une énergie. Ça restera ton superbe cadeau.

Je ferai donc mon possible pour maintenir partout et tout le temps ce que tu m'as appris, montré. Je ferai tout ce que je peux pour que ta place de critique et d'historien ne soit pas oubliée.

Tu sais quoi ? J'ai envie de partir pour retrouver une architecture oubliée, pour constater avec toi encore la Beauté de cet héritage de la Modernité. Je ne sais pas bien où nous pourrions nous retrouver. 
Reste-t-il donc, quelque part, un bâtiment modeste mais superbe que tu voudrais absolument que je rencontre ?
Sans aucun doute. Je vais donc une fois encore me plonger dans tes écrits.
Tu étais un Guide. Tu étais mon guide. Tu le resteras.
Merci l'ami Dominique. Merci.
Toutes mes pensées à ta famille et tes amis.
David Liaudet

Pour ceux qui voudraient entendre Dominique Amouroux en interview raconter la genèse de son guide et bien d'autres choses, c'est ici :

Il y a tant et tant d'articles sur ce blog (et le premier)  avec Dominique que je ne vais pas en faire une liste.
Il vous suffit de cliquer sur le bandeau à droite : dans le guide.
Ou de taper  son nom dans la recherche en haut à gauche.









samedi 30 mars 2024

Du Cameroun à Royan, de Bauhain à Prouvé !

Comme historien de l'architecture ou comme simple amateur, il ne fait plus aucun doute que la carte postale constitue un fonds patrimonial pour saisir et découvrir toutes les inventions, orientations de cet Art.
De carte postale en carte postale, nous allons de découverte en découverte sur toutes les subtilités de cette histoire que nous pourrions croire préparée par les éditeurs pour nous permettre aujourd'hui de la réécrire, de la refonder avec des modèles un peu hors du jeu habituel des icônes certes souvent justifiées mais aussi souvent bien peu contextualisées avec d'autres productions de la même période.
En gros, quelques noms écrasent tout, au point que, justement, ce qui constitue leur force et leur originalité, n'a plus l'occasion de se mesurer contre le reste de la production architecturale.
Faisons le test : si je vous dis Pavillon, économique, tropical, bois, métal, préfabriqué et que je vous laisse quelques instant pour former dans votre imaginaire une image et un nom, pas de doute que vous me rétorquerez : Pavillon Tropicale de Jean Prouvé.
Et vous aurez raison.
Mais voilà, l'intelligence de Prouvé on doit aussi la relativiser face à d'autres productions bien moins connues et défendues qui pourtant ont parfois bien plus marqué par leur nombre et leur utilisation la réalité de l'habitat.
Voilà une bel exemple :



Et je suis même certain que, tout comme moi, d'ailleurs si je vous avez montré rapidement cette carte postale que certains d'entre vous y auraient bien vu le Pavillon Tropical de Prouvé car tous les signes de ce rapprochement sont ici possibles.
Mais voilà, il ne s'agit pas d'un pavillon dessiné par Jean Prouvé mais bien d'un travail de J. Bauhain, architecte, comme d'ailleurs cela est écrit sur la carte postale de l'éditeur Fournier.
Et...On le connait bien Monsieur Bauhain ! C'est l'un des plus prolixes architectes de la Reconstruction de Royan !
Quelle joie donc de trouver une carte postale montrant ainsi une autre production de cet architecte du Mouvement Moderne si important pour notre blog et notre rapport à cette architecture. J'avoue que je n'avais jamais entendu parler de cette création de Monsieur Bauhain et que je fus très surpris de voir son nom associé ainsi à ce type de production. On peut aussi imaginer la tête de J. Bauhain lorsque Jean Prouvé est venu poser son Pavillon à Royan. Quel esprit de concurrence ou d'admiration commune était en jeu alors ? Comment J. Bauhain avait-il connaissance de l'oeuvre de Jean Prouvé pour la mise au point d'une architecture similaire ? Et si c'était dans le l'autre sens qu'il fallait chercher...
La carte postale n'étant pas datée on ne peut donc pas trop comprendre comment cette case tropicale de J. Bauhain est arrivée dans l'histoire de l'architecture et de ses solutions coloniales. Il est facile par contre d'affirmer que c'est bien de toute manière dans l'esprit d'une époque cherchant des solutions pour un habitat pragmatique, préfabriqué, facile à exporter et à monter, avec des matériaux peu chers. À ce titre l'histoire des maisons préfabriquées pour le relogements des sinistrés de la Seconde Guerre Mondiale est bien établie et il serait intéressant de savoir comment J. Bauhain a peut-être aussi inscrit dans le Royan bombardé un possible lien entre cette production coloniale et de tels pavillons. On sent alors possiblement une relation de concurrence avec Jean Prouvé.
Même si cette carte postale ne nous permet pas bien de déterminer l'intelligence constructive pour ce Pavillon de J. Bauhain, il est clair tout de même qu'on en reconnait tous les signes. Grand toit en tôle ondulée qui forme un auvent sur le devant, ouverture entre les deux pentes au sommet pour la circulation de l'air, bardeaux de bois glissés entre des montants verticaux venant tendre les murs, ouvertures permettant elles aussi une aération franche et surtout, on note une capillarité possible entre le dedans et le dehors, le pavillon offrant une très large ouverture directement sur l'intérieur. La circulation de l'air et de la lumière semble bien être l'objet de toutes les attentions, ce qui est normal pour un tel projet. On note que la "case" est photographiée comme à l'orée d'une forêt qui semble bien tropicale, et que la mention "les bois du Cameroun" ne laisse aucun doute sur la localisation de la prise de vue, sans , pourtant, plus de précisions ni sur l'éditeur, ni la raison de cette édition et sur le rôle de cette carte postale dans une stratégie de diffusion du modèle de J. Bauhain. Impossible depuis ce document de savoir le succès de ce modèle sous les Tropiques et au Cameroun en particulier. Monsieur Bauhain a-t-il rejoint l'équipe de la Reconstruction de Royan avec l'aura de la réputation de ce type d'architecture ou, au contraire, a-t-il bénéficié de ce chantier de Royan pour fabriquer et diffuser ce type de modèle ? Je ne sais pas.
Mais quelle chance incroyable de trouver ainsi représenté ce modèle et son architecte ! Voilà qui éclaire donc bien vivement l'Histoire de cette architecture coloniale et de la Reconstruction dont il faudrait, si ce n'est pas déjà largement fait, redéfinir tous les liens d'échanges et de progrès.
À vos archives !

Pour revoir l'oeuvre de Monsieur J. Bauhain sur ce blog :